Samedi soir, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, Yann Perreau met en scène le spectacle de clôture des FrancoFolies de Montréal, Légendes d'un peuple, sur l'histoire des francophones d'Amérique, d'après une idée originale d'Alexandre Belliard, en plus d'y participer. Discussion politique avec un indépendantiste convaincu.

J'avais envie de parler de politique avec toi. Ton engagement en faveur de l'indépendance est clair. Et il est lié à un parti en particulier...

Le seul parti qui, pour l'instant, peut nous permettre de faire l'indépendance, jusqu'à preuve du contraire, c'est le Parti québécois. Mais je suis proche de Sol Zanetti, j'échange souvent des courriels avec Jean-Martin Aussant, et j'ai passé le printemps 2012 par hasard aux côtés de Françoise [David] et Amir [Khadir]. J'ai pris position contre Françoise en 2014 parce que je ne crois pas que Québec solidaire ou Option nationale ont des chances de faire l'indépendance. C'est plus important pour moi qu'un parti. Si on disait non à un troisième référendum, peut-être que je changerais d'idée.

Les sondages semblent donner raison à ceux qui disent que l'indépendance est le projet de deux générations: la nôtre et celle de nos parents. Ça ne t'inquiète pas que les jeunes ne s'y intéressent plus?

Je serais curieux de savoir comment et qui fait ces sondages. C'est sûr que c'est moins dans le vent en ce moment, mais ça n'aide pas qu'une majorité de chroniqueurs et d'éditorialistes, dans ton journal comme au Journal de Montréal, ne soient pas favorables à l'indépendance. Je ne crois plus aux sondages. Quand je suis sur le terrain, les jeunes me parlent d'indépendance et, pour eux, ça tombe sous le sens que le Québec, ce n'est pas le Canada. Peut-être que je ne me tiens pas assez à NDG et à Westmount...

Ce n'est clairement plus la première préoccupation des jeunes.

Tu ne penses pas que tout est fait pour nous endormir à Ottawa? Le parti au pouvoir va battre un record de longévité, à force d'éviter de faire des vagues au Québec. Et les médias vont continuer de dire que ceux qui veulent l'indépendance sont des enragés.

Je trouve que tu fais un procès d'intention aux médias. Il n'y a sans doute pas plus de chroniqueurs fédéralistes qu'indépendantistes dans les journaux. La page éditoriale de La Presse est fédéraliste et clairement affichée comme telle, mais, pour le reste, je ne trouve pas notre couverture politique tendancieuse.

Ta direction d'entrevue - et tu n'es pas le seul - tend à mettre dans la tête de celui qui lit que c'est toujours aux indépendantistes à se défendre. Que c'est à moi de faire la preuve que ce que je dis est valable.

Pour revenir à ce que tu disais sur Ottawa, comme souverainiste, j'ai cru naïvement que l'élection d'un gouvernement conservateur, aussi éloigné philosophiquement des préoccupations de la majorité des Québécois, finirait par raviver la flamme indépendantiste. J'avais tort.

C'est à nous, au Parti québécois, à Option nationale, à Québec solidaire - dans la mesure où ils sont vraiment indépendantistes - de faire l'éducation des nouveaux arrivants pour que ce soit possible.

Pourquoi doutes-tu de l'engagement de Québec solidaire?

Parce qu'il y en a 50 % à QS, selon moi, qui sont des gens de gauche qui ne veulent rien savoir de l'indépendance. Leur priorité, c'est la justice sociale.

C'est en cela qu'ils sont plus près des préoccupations des jeunes que le PQ. C'est là où on est en désaccord. Je crois que le PQ s'est complètement aliéné la jeunesse avec un projet nationaliste conservateur comme la Charte des valeurs. La gestion de la Charte a été lamentable.

La Charte des valeurs, ce n'est pas là où je voulais aller, même si j'étais d'accord avec la majorité des idées qui s'y trouvaient.

Moi, je crois au PQ quand je vois Martine Ouellet ou Véronique Hivon. La Charte, c'est devenu un show de boucane dont les médias se sont emparés.

C'est le PQ qui a voulu faire un show de boucane!

Les péquistes l'ont échappé, mais ça ne m'a pas empêché de voter pour eux.

Il y a eu des erreurs de communication du PQ et de l'opportunisme de la part des médias. Mais c'est plus facile de parler des gaffes de Bernard Drainville. Je ne crois pas que Pauline Marois aurait accepté de diriger une Gestapo qui détermine qui a le droit de travailler à cause d'un foulard ou d'une croix. Je pense qu'on a plus de chance d'arriver à destination si on embarque tous dans le train ensemble. Je suis dans le métier depuis que j'ai 18 ans et j'ai toujours été présent quand on me l'a demandé.

On t'a demandé d'appuyer un candidat à la course à la direction du PQ?

Ils me l'ont tous demandé! Mais j'ai dit non. Je ne trouvais pas que c'était pertinent d'ajouter ma voix à ce moment-là.

J'étais très occupé avec mes projets et mon garçon [de 2 ans]. Chaque fois que je prends position, je suis attaqué par les trois quarts du membership de QS. Je n'avais pas d'énergie pour ça.

Tu en veux au mouvement indépendantiste de s'être scindé en plusieurs partis?

Oui. Je suis un gars pragmatique. J'ai beau être de gauche, je vote pour le PQ et je crois encore que PKP n'est pas un homme de droite. Je laisse la chance au coureur. Je ne crois pas que ce gars-là soit le démon.

Ce n'est pas le démon, mais ce n'est certainement pas un progressiste!

Je ne suis pas d'accord. Les gens de gauche doivent être prêts à faire des compromis. J'en ai fait des compromis en votant pour le PQ. J'en suis conscient. Je n'étais pas d'accord avec cette histoire de Charte. J'écoutais M. Parizeau en entrevue avec Michel Lacombe qui disait qu'il y avait une part de théâtre en politique. Le PQ a joué une mauvaise pièce avec la Charte et il s'est planté. On a beaucoup d'éducation à faire. De partage et d'ouverture. On ne peut pas faire l'indépendance sans les jeunes, les nouveaux arrivants et une bonne partie des Anglos natifs d'ici.

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Légendes d'un peuple, au Théâtre Maisonneuve samedi soir, dans le cadre des FrancoFolies de Montréal.