Ils ne manquent pas un concert de leur chanteur préféré, achètent tous ses disques et produits dérivés, apprennent ses chorégraphies par coeur et vont jusqu'à envisager de se faire tatouer un objet qui l'évoque. Bienvenue dans le monde des superfans d'Olivier Dion, de Roch Voisine et d'Éric Lapointe.

Plusieurs artistes de la chanson ont parmi leur public des groupies et des fanatiques. Ces admirateurs de la première heure sont précieux pour un artiste: ils assisteront à plusieurs représentations du même spectacle, achèteront tous les albums et les produits dérivés et deviendront leurs meilleurs porte-parole.

À la première montréalaise de Roch Voisine à l'Olympia, quatre fans fidèles étaient assises dans la première rangée. C'était la troisième fois, cette semaine-là, qu'elles assistaient à une représentation du même spectacle.

« Il a toujours été présent dans ma vie, dit Hélène, qui vit au Saguenay. Il fait partie de la famille, chez nous. Je l'écoute depuis que je suis petite. »

C'est lors d'un concert VIP organisé par l'équipe de Roch Voisine au DIX30 que les trois admiratrices se sont rencontrées. « Depuis ce temps-là, on va voir des shows ensemble, on soupe ensemble. On suit Roch le plus possible », explique Nathalie.

La « Rochmania » est quand même chose du passé. C'est avec bonheur que l'interprète d'Hélène parle de son nouveau rapport avec ses fans: « Il y a eu une période où il était mieux que je ne rencontre pas mes fans, puisque ce n'était pas gérable. Avec le temps, c'est devenu plus humain. C'est beaucoup plus le fun maintenant, parce que je peux communiquer avec mes fans. C'est bien de pouvoir avoir des conversations! », dit Roch Voisine.

Un peu, passionnément, à la folie

Un autre artiste de la chanson qui a un nombre impressionnant d'admirateurs est Éric Lapointe. Francesca Bordeleau, qui a créé la page Facebook « Fans d'Éric Lapointe (Le ciel de mes combats) » est une fan de la première heure: elle a un nombre incalculable d'objets à l'effigie de son idole, l'a rencontré à de nombreuses reprises, lit tous les articles qui parlent de lui, a participé à une des éditions du Show au chaud, où le chanteur invite 500 Québécois dans un tout-inclus, et compte se faire tatouer une rose, comme Lapointe en a une sur un de ses bras.

« Éric, j'écoute ses chansons dans mes joies et dans mes peines. C'est le king du rock québécois! », dit Francesca.

La femme de 49 ans confie que c'est le chanteur qui lui a permis de s'accrocher à la vie. Après une profonde dépression et une tentative de suicide, elle s'est concentrée sur son artiste pour redonner un sens à sa vie.

« Sauf ma fille, rien ne me rattachait à la vie. Éric, ç'a été ma source de motivation. Et mon fan-club m'a aidée. Je m'en occupais et je me disais que je ne retournerais pas dans les bas-fonds, là où j'avais été. »

Le petit nouveau

Alors que Roch Voisine et Éric Lapointe ont une longue carrière et un bassin d'admirateurs fidèles, Olivier Dion est plus nouveau dans le paysage musical.

Le chanteur au charme incontestable était un des préférés des Québécois à Star Académie 2012. Grâce à d'autres projets, dont la comédie musicale Hairspray et l'animation de Mix 4, il est allé chercher encore plus de fans au Québec. Et au début de l'année prochaine, il tentera de charmer les Européens, puisqu'il vient de signer un contrat avec Columbia Records France.

« Je suis chanceux, j'ai de bons fans. Des fans expressifs! En retour, j'essaie d'être généreux avec eux, de leur faire plaisir. Si je suis rendu où je suis, c'est grâce à eux », avance Olivier Dion.

En tournée avec son premier album, le chanteur de 23 ans reconnaît l'importance de créer un lien de proximité avec son public. Son équipe a donc mis sur pied un concours sur les réseaux sociaux où ses fans - qui ont une base en danse - sont invités à envoyer une vidéo d'eux dansant sur sa chanson On est les plus forts. Une poignée d'entre eux sont ensuite choisis pour danser avec lui sur scène.

« Quand je suis avec mes fans, je prends le temps de leur parler. Je suis aussi très présent sur les réseaux sociaux. J'aime publier des statuts, j'aime lire les commentaires », explique-t-il.

Dans les loges du Centre des arts Juliette-Lassonde à Saint-Hyacinthe, quatre danseuses attendaient avec fébrilité le moment où elles monteraient sur la scène.

« J'aime le suivre sur les réseaux sociaux, dit Arianne Bellemarre, 16 ans. Il répond vraiment à nos commentaires. Il est tout le temps à l'affût. Il met des photos, il parle souvent de ce qu'il fait. Ça nous aide à en apprendre plus sur lui. »

À la sortie de la scène, après leur performance, les quatre filles flottaient sur un nuage: elles venaient de danser avec leur star.

« Il est là pour ses fans, dit Andréanne Jodoin. Il y a des artistes qui ne sont pas aussi agréables, aussi ouverts à leurs fans. Et le fait de nous permettre de danser avec lui, c'est vraiment une chance inoubliable. »

UN ATOUT POUR LES ARTISTES

Derrière chaque chanteur se cache une fourmilière d'artisans. Toute une équipe qui travaille entre autres à augmenter le pouvoir médiatique de ses artistes. Une des clés du succès.

Les réseaux sociaux - surtout Facebook au Québec - ont une place bien importante pour préserver la fidélité des fans, mais aussi pour en accrocher de nouveaux.

« Qu'elle soit assurée par lui-même ou par son équipe de relations de presse, la présence d'un artiste sur les réseaux sociaux est essentielle, affirme Stéfane Campbell, l'un des responsables du développement de la carrière d'artistes chez Coyote Records (Karim Ouellet, Klô Pelgag, Alfa Rococo). La belle époque où les communications passaient par voie officielle est terminée. »

Il ajoute: « Instagram, Facebook, Twitter: ça défonce des barrières. Ça donne l'impression au public d'être près de l'artiste. Nous sommes loin de l'époque des fan-clubs où une équipe gérait tout et où l'artiste ne te répondait pas nécessairement. »

Être vus et entendus

Même son de cloche chez Roy et Turner Communications, derrière de nombreux artistes de la chanson dont Roch Voisine, Mes Aïeux, Éric Lapointe et Marie-Mai: « Avec le web, nous avons le monde au bout des doigts. Les gens peuvent écouter de la musique du monde entier. Pour attirer le public, il faut donc que nos artistes soient présents, vus et entendus. Ils ne peuvent plus se permettre de ne pas avoir cette visibilité sur les réseaux sociaux », explique Élisabeth Roy, présidente-directrice générale chez Roy et Turner communications. Une artiste qui compose bien avec les réseaux sociaux est Béatrice Martin (Coeur de pirate): elle publie régulièrement des photos d'elle, de sa famille et parle de son quotidien. Exactement ce que plusieurs admirateurs aiment voir d'un artiste.

« Les gens suivent les artistes pour en apprendre sur leur vie, pour voir autre chose que ce qu'ils voient dans les magazines », dit l'attachée de presse de Coeur de pirate, Marianne Drolet-Paré.

Armée d'admirateurs

Il y a aussi des avantages financiers à être un artiste médiatique.

« La visibilité sur les réseaux sociaux a un impact réel sur les ventes. J'ai déjà vu des salles qui étaient inquiétantes côté ventes; or, grâce à des promos sur Facebook, nous avons sauvé les meubles », dit Stéfane Campbell de chez Coyote Records.

Justin Kingsley, consultant en créativité et stratégie, abonde. Celui qui a développé l'identité de marque de personnalités comme Georges St-Pierre, Sugar Sammy et le sommelier François Chartier explique l'importance pour une personne (ou une marque) d'avoir son armée d'admirateurs.

Le fait d'être doté d'un pouvoir médiatique ouvrira en outre des portes à ces vedettes. Par exemple, des entreprises vont vouloir s'associer à eux ou les commanditer. « Je vais prendre l'exemple de Georges St-Pierre. C'est un gars qui a 4 millions d'abonnés sur Facebook et 1 million sur Twitter. Ça devient un média comme La Presse. Des millions de personnes vont lire ses messages », dit Justin Kingsley.

Les réseaux sociaux ne sont toutefois pas la seule stratégie à adopter et la seule manière d'aller à la rencontre de ses fans. Bien au contraire.

« Jean Béliveau a donné une grande leçon: tu signes des autographes pour tout le monde, note celui qui est aussi chef de création du Canadien de Montréal et membre de l'équipe de l'émission télévisuelle 24CH. Que ce soit la reine d'Angleterre ou une personne que tu as rencontrée dans le métro, tu signes. Les gens disaient à son sujet que, lorsque tu le rencontrais, tu semblais être la seule personne au monde pour lui. »

Il conclut: « Prenons deux restos égaux, où la bouffe est égale. Chez l'un, tu es traité comme un membre de la famille et, chez l'autre, comme un membre du troupeau. Où vas-tu retourner? »

IMAGE TIRÉE D'UNE VIDÉO

Francesca Bordeleau et Éric Lapointe