Créée il y a 20 ans par le chorégraphe taïwanais Lin Hwai-min à la suite d'un voyage sur les traces de Bouddha, la pièce Songs of the Wanderers célébrera sa 200e représentation sur les planches du Théâtre Maisonneuve, où elle sera présentée du 27 au 29 mars.

Après avoir présenté à Montréal Moon Water en 2004 et Wild Cursive en 2007, Lin Hwai-min est de retour avec cette création majeure dans le répertoire de l'écrivain devenu chorégraphe qui a monté sa propre compagnie, Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan, en 1973.

«Au début de ma carrière, je pensais que mes créations seraient assez narratives, mais, au final, elles n'ont rien à voir avec les mots - bien au contraire! Ça m'aura pris 20 ans pour comprendre que la danse peut être ouverte à l'interprétation et abstraite. Songs of the Wanderers est d'ailleurs un point tournant de ma carrière à ce sujet. On n'y retrouve aucun personnage ni d'histoire», explique-t-il.

Un voyage sur les traces de Bouddha où, pendant 90 minutes sur scène, 3,5 tonnes de riz se déversent telle une pluie dorée sur le crâne rasé d'un moine en train de prier. À l'avant-scène, les 24 danseurs-pèlerins transforment quant à eux d'anciens rituels religieux asiatiques en danse-théâtre.

Les grains de riz s'amoncellent et forment tantôt une rivière, tantôt des collines ou un désert - des paysages qui ont inspiré Lin Hwai-min au cours de son pèlerinage bouddhiste dans le village de Bodhgaya, en Inde, où Bouddha a eu son illumination sous l'arbre de la Bodhi.

«J'ai toujours été bouddhiste, mais c'est là que j'ai réalisé que Bouddha n'était pas un dieu, mais un homme. J'ai ressenti un sentiment très profond en méditant sous cet arbre au bord de la rivière. Quand je suis sorti de cet état, j'ai senti quelque chose de brûlant sur mon front: c'étaient les rayons du soleil passant à travers les branches. Je suis une personne qui ne s'arrête jamais. Mais à ce moment, j'ai décidé de ralentir. Je me suis senti béni, calme et en paix», se rappelle Lin Hwai-min.

C'est d'ailleurs en grande partie le désir de transmettre cette sensation de paix intérieure qui a poussé Lin Hwai-min à créer Songs of the Wanderers qu'il a chorégraphié en s'inspirant notamment de la quête de Siddhartha vers l'illumination telle que racontée dans le roman philosophique d'Hermann Hesse.

La respiration au centre de la création

Lenteur, poses sculpturales puis frénésie: les danseurs de la compagnie ont suivi un entraînement basé en très grande partie sur la méditation, mais aussi le Qi gong, les arts martiaux internes, la danse moderne, le ballet et la calligraphie.

«J'ai commencé à créer en forçant les danseurs à méditer tous les jours. Ils ont haï ça! Ils s'entraînent depuis l'âge de 10 ans à exécuter plusieurs techniques différentes et je leur demande de s'allonger les yeux clos sans bouger. J'ai été très persistant. Après un mois, ils ont commencé à ressentir les bienfaits de la respiration. Ils étaient concentrés et pouvaient maintenir leur pose tout en gardant les yeux fermés, pour ensuite se laisser guider vers le mouvement, au lieu que l'esprit manipule le corps», explique le chorégraphe.

Lin Hwai-min a essayé différents styles musicaux au cours de la création de Songs of the Wanderers - «chansons des nomades» en français. Il a finalement jeté son dévolu sur des chants polyphoniques géorgiens. «Ces chants correspondaient exactement à la musique que j'avais dans mon coeur. Ça n'a rien de spirituel, ça parle de célébrer et de boire, mais ils chantent avec une telle intensité que ça en devient religieux pour moi!», explique le créateur qui a fait appel au choeur Rustavi et ses voix masculines de renommée mondiale.

Le défi du riz

Lin Hwai-min a eu l'idée d'utiliser du riz sur scène en observant des enfants en train de jouer dans un carré de sable, dans un parc new-yorkais. Le créateur a renoncé à utiliser du sable dans sa création pour ne pas causer de problèmes respiratoires à ses danseurs; il lui a substitué du riz, une solution qui a posé des défis techniques.

«Je n'avais pas réalisé sur le coup que ce serait un si gros défi de produire et de teindre 3,5 tonnes de riz en doré. Après notre première représentation, nous avons stocké les grains dans un hangar et, quand on a voulu le réutiliser, il avait pourri! Il a donc fallu recommencer et trouver un moyen de le nettoyer pour les plus longues tournées. De plus, le riz est en quarantaine à Montréal et on a promis aux douanes d'en ramener chaque grain!»

Pour le 40e anniversaire de la compagnie, Lin Hwai-min a d'ailleurs créé Rice, une nouvelle pièce avec laquelle il partira en tournée nord-américaine au printemps 2016. «J'ai un complexe du riz, je sais!», conclut-il.

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Au Théâtre Maisonneuve du 27 au 29 mars, une présentation de Danse Danse.