C'est un Claude Robinson visiblement soulagé qui a rencontré lundi les médias pour la première fois depuis le jugement de la Cour suprême qui lui a donné entièrement raison sur la propriété intellectuelle du personnage Robinson Sucroé, qui avait été plagié de son oeuvre, Robinson Curiosité, d'abord par Cinar puis par un consortium international de l'animation.

L'auteur et dessinateur estime que cette saga judiciaire de 18 ans représente une leçon pour l'industrie et une grande victoire pour les créateurs.

«Je le prends personnellement comme une réussite monumentale pour tous les auteurs, a-t-il déclaré. On sait maintenant quelle est la ligne sur le plancher qu'un producteur ne peut plus traverser, à prendre un document en élaboration d'un créateur, y faire quelques modifications et penser qu'il peut se l'approprier.»

À ce sujet, l'auteur fait valoir que cette problématique particulière qui consiste à obtenir du financement pour un projet qui n'est encore qu'une idée a toujours pesé lourd sur les épaules des créateurs.

«Imaginez la paranoïa depuis des années pour les auteurs d'aller présenter leur projet à des producteurs en se disant: je vais me le faire voler, ça n'a pas d'allure!»

Le parcours de Claude Robinson n'est pas terminé pour autant puisqu'il devra lui-même s'affairer à récupérer une bonne partie des sommes qui lui ont été accordées par la Cour suprême, mais il affirme que cette question est bien secondaire par rapport à la victoire ultime obtenue au plus haut tribunal du pays.

«Il y a certains de mes adversaires qui, eux, ont des sous cachés dans les beaux pays. Il va falloir que j'aille retourner des petites pierres dans le fond des ruisseaux et je prendrai le temps de le faire correctement», a-t-il dit.

La Cour suprême a condamné en décembre un consortium de producteurs de télévision à verser 4,4 millions $ à l'auteur pour lui avoir volé son concept de série télévisée d'animation pour enfants, mais la somme totale atteindrait les 8 millions $ avec les frais d'avocat. Claude Robinson se dit confiant d'aller en chercher près de 5 millions $ et se dit prêt à poursuivre son pèlerinage juridique pour trouver le reste.

Les parties intimées dans ce dossier étaient Cinar et ses propriétaires, Ronald Weinberg et sa conjointe aujourd'hui décédée Micheline Charest, ainsi notamment que les firmes France Animation, Ravensburger Film, RTV Family Entertainment, Izard France Animation, Davin et France Animation S.A.

Claude Robinson devra notamment effectuer d'autres démarches judiciaires en France et en Allemagne afin de faire reconnaître le jugement rendu au Canada dans ces deux pays, où se trouvent certains producteurs membres du consortium.

Il semble toutefois s'être réconcilié avec l'appareil judiciaire, lui qui l'avait vertement dénoncé dans le passé, mais il impute désormais ses difficultés aux «bandits» et aux «menteurs» qui se sont dressés sur son chemin plutôt qu'à la justice elle-même.

«Un tout petit dessinateur, qui fait ses petits bonhommes, qui fait ses petits textes, réussit à gagner contre des paquets de multinationales, des gros gens riches, qui avaient tous les moyens de m'écraser. Ça signifie pour moi que la justice est accessible», a-t-il soutenu.

Claude Robinson a rappelé qu'il avait vécu le vol de son personnage comme une atteinte très intime puisque Robinson Curiosité était calqué sur nul autre que lui-même.

«Le petit bonhomme qui était à l'écran, ce n'était pas juste une oeuvre que j'avais faite: c'était ma maudite face à moi qu'on m'avait volée. Micheline (Charest), Ronald (Weinberg) savaient cela. Ils avaient été six mois avec moi. Ils savaient l'importance de mes personnages», a-t-il dit.

L'affaire avait en effet débuté lorsque Robinson avait fait appel au couple Charest-Weinberg dans les années 1980 à titre de consultants alors qu'il cherchait à trouver un producteur aux États-Unis pour son concept.

Bien qu'il ait avoué avoir été habité par des idées suicidaires de façon récurrente durant toute l'affaire, Claude Robinson avait retrouvé une bonne dose d'humour, lundi, indiquant qu'il se consacrait désormais à un nouveau projet basé sur ses tribulations.

«Ça s'appelle Robinson Cruauté. C'est vraiment le titre de mon ouvrage, Robinson Cruauté - et là, volez-moi pas mon idée, s'il vous plaît, un peu de décence! - c'est ce qui est advenu de Claude Robinson ou Robinson Curiosité; il est devenu Robinson Cruauté quelque part.»

Claude Robinson a longuement remercié son épouse, Claire Robert, de même que la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), les responsables du Fonds Robinson mis sur pied pour soutenir sa lutte légale et les quelque 50 000 donateurs qui ont contribué à ce fonds.