Paul Desmarais s'intéressait à l'architecture de façon précise et systématique, et utilisait ses connaissances pour participer au menu détail des travaux qu'il faisait effectuer chez lui, notamment au domaine Laforest, à Sagard.

Associé fondateur de Provencher Roy + Associés Architectes, Claude Provencher a travaillé au début des années 2000 sur le projet du domaine Laforest, la résidence de type classique que Paul Desmarais a fait construire à Sagard, dans Charlevoix.

C'est durant leurs échanges, pendant environ trois ans, que l'architecte s'est rendu compte que M. Desmarais était non seulement un amoureux d'architecture, mais qu'il en connaissait aussi un rayon sur le sujet.

«M. Desmarais était un érudit et avait une connaissance de l'architecture assez étonnante, dit M. Provencher. Je suis un architecte plutôt moderniste et contemporain alors que le style que souhaitait M. Desmarais provenait d'une période que je ne connaissais pas. Mais je me suis vite aperçu qu'il était très documenté sur l'architecture. À Sagard, la bibliothèque est assez impressionnante sur l'architecture. Pour un homme d'affaires, c'était renversant de voir la qualité de documents qu'il y avait dans cette bibliothèque.»

Claude Provencher se rappelle que lorsqu'il a été question d'établir les plans de construction de l'escalier principal de la résidence, il a discuté des règles de base du calcul de l'emmarchement de l'escalier. «J'avais un de mes collègues avec moi et qui était, je dois le confesser, plus érudit que moi sur cette période-là de l'architecture, raconte M. Provencher. M. Desmarais a dit tout d'un coup: «Alors? Pour ces escaliers, est-ce qu'on y va avec la règle de Blondel?» Mon collègue lui a alors dit: «Celle de Frédéric Blondel?» et M. Desmarais a alors répondu: «Non, on va y aller avec François Blondel!» Il s'est alors levé et est allé chercher dans sa bibliothèque toute la littérature de François Blondel. Et dans le langage qu'il avait de temps à temps, il a dit: «Crisse, je n'ai pas besoin de vous autres! J'ai tout ce qu'il faut!»»

«Le trait et l'oeil très justes»

M. Provencher ajoute que cette anecdote montre à quel point Paul Desmarais s'est intéressé à l'architecture de façon précise et systématique. «Je passais des après-midi à travailler avec lui pour les détails, à établir les proportions et pour régler la planification. Je le regardais dessiner, assis à côté de lui. Pour lui, l'architecture, ça se dessinait à la main, pas avec l'informatique. Et il dessinait très bien et dans les proportions. C'était assez étonnant. Il avait le trait et l'oeil très justes.»

D'ailleurs, en cours de construction, M. Provencher avait dit à Paul Desmarais que certains volumes de la résidence «ne fonctionnaient pas» en matière de proportion et qu'il faudrait agrandir le tout et oublier les plans initiaux de l'architecte. «Eh bien, on a tout refait! dit Claude Provencher. M. Desmarais était vraiment dans le détail. J'ai beaucoup aimé travailler avec lui. Et tout ce qui a été utilisé n'était pas du toc. Il n'avait choisi que des matériaux authentiques. Toutes les frises et les corniches sont en pierre travaillée. Le travail de pierre a été fait par des Italiens et beaucoup d'artisans du Québec y ont participé. C'était un projet impressionnant, de grande qualité, d'un grand raffinement avec la participation de grands ébénistes européens. Je ne pense pas que je vais retravailler sur un tel projet un jour.»

Ayant côtoyé M. Desmarais pendant plusieurs années pour ce projet, M. Provencher dit avoir eu beaucoup de plaisir à le connaître de façon plus intime. «M. Desmarais était quelqu'un qui avait une grande sensibilité, dit-il. Il était extrêmement délicat, gentil et à l'écoute des autres. Il avait un goût sûr et une connaissance. Il consultait aussi beaucoup sa femme. Il partait avec un dessin et disait: «Je vais le montrer à Jackie! Je reviendrai plus tard!» Il revenait et nous disait que Jackie était d'accord et qu'on pouvait y aller avec ça. C'était quelqu'un d'authentique, tout un personnage. Très respectueux. Un grand monsieur.»