L'automne dernier, une nouvelle auteure est née, qui a touché tout le monde: Vickie Gendreau. Atteinte d'une tumeur inopérable au cerveau, elle avait mis toutes ses énergies à écrire son premier roman, Testament, publié chez Le Quartanier, qui lui a valu d'être sur la liste des meilleures ventes et des prix littéraires, et même d'être invitée à Tout le monde en parle.

Au début de septembre 2012, nous avions été parmi les premiers à rencontrer la jeune femme, pour la rentrée littéraire, lors d'une entrevue bouleversante, tant son appétit de vivre et sa bonne humeur contrastaient avec sa condition. À ce moment, on espérait beaucoup du traitement médical qu'elle subissait et Vickie ne cachait pas le grand désir que Testament ne soit pas son seul livre, elle pour qui l'écriture devenait pratiquement sa seule source de réconfort, mais aussi la révélation d'une vocation.

Malheureusement, la chimiothérapie n'a pas fonctionné et les jours de Vickie Gendreau sont comptés. Avec l'aide de son très grand ami, l'écrivain Mathieu Arsenault, elle est parvenue à écrire un deuxième manuscrit, Drama Queens, qui sera mis en lecture le mardi 30 avril, pratiquement dans son intégralité, à l'Espace Libre.

Sur son blogue, Mathieu Arsenault raconte avec une grande sensibilité l'histoire de ce manuscrit écrit, lui aussi, dans l'urgence. Vickie y travaillait depuis l'été dernier, mais l'avancée de la maladie la freinait dans son élan, si bien qu'elle a demandé l'aide de son ami pour finaliser le roman. «Je me suis lancé dans ce projet dès le lendemain, écrit Arsenault. J'ai travaillé d'un trait. Quinze heures en deux jours. Il y avait des papiers partout dans la chambre, des piles de «finis», de «pas finis», de «à classer», de «peut-être». Je ne pense pas avoir déjà reçu un privilège aussi grand: pouvoir vivre aussi intimement dans l'imaginaire non seulement d'une écrivaine que j'admire profondément mais avant tout de ma meilleure amie, l'approcher cet imaginaire, en saisir peu à peu le mouvement, puis lui donner sa forme. Vers la fin, les fragments trouvaient eux-mêmes leur place, c'était exaltant. Et j'ai pu terminer le manuscrit. Presque pas l'air rabouté. Tout était déjà là. Un texte moins tragique que Testament, souvent drôle, avec des moments vraiment cons et des pages parmi les plus fortes qu'elle ait écrites.»

Et c'est en lui lisant le résultat final que Vickie Gendreau s'est en quelque sorte «rallumée» raconte Mathieu Arsenault, et qu'elle a doublé les pages du manuscrit. «Une sorte de miracle inespéré, comme l'été dernier avec Testament. Plus personne ne l'attend et paf la magie. La fucking magie. Elle s'est réappropriée complètement le manuscrit que j'avais monté. Dehors le raboutage, dehors la noirceur étouffante, balancés par plein de nouveaux morceaux fantaisistes qui ont trouvé leur chemin. Le dernier mois a peut-être été le pire physiquement pour elle, mais je peux dire que je l'ai vue heureuse. Peut-être pour la première fois de sa vie. Oui. Quand j'y pense, je ne retrouve pas de souvenirs d'elle heureuse à ce point.

«C'est mon vrai livre, Mathieu! Là je sais que suis une vraie écrivaine! Avant on me le disait mais je le réalisais pas. Mais là! C'est meilleur que Testament parce que je suis vivante dedans! Je suis vivante!»

Une «fucking magie», oui. Qu'on pourra entendre mardi, en présence de Vickie, peut-être l'une de ses dernières sorties publiques. Parce que, comme l'écrit Mathieu Arsenault, «Vickie sait qu'elle ne verra pas son lancement. Ni la réaction de ses lecteurs. Mais elle n'y pense pas. Elle prépare un autre livre. Avec des flamands roses et des danseuses. Elle disait qu'elle voulait écrire dix livres en dix ans. Maintenant c'est dix livres en dix jours. On verra.»

Drama Queens, lecture publique du roman de Vickie Gendreau, le mardi 30 avril, 11 h, à l'Espace Libre, 1945, rue Fullum. Entrée gratuite (contribution volontaire).