Plusieurs dizaines d'artistes roumains, dont le cinéaste Cristi Puiu, se sont réunis lundi devant l'ambassade du Canada à Bucarest pour demander symboliquement «l'asile culturel» après une décision du gouvernement qui menace selon eux l'indépendance de la culture.

«Nous sommes venus ici pour demander symboliquement l'asile culturel. C'est une action pour protester contre la décision du gouvernement de modifier le statut de l'Institut culturel roumain (ICR) et le sens même de sa mission», a déclaré à l'AFP Katia Pascariu, actrice de 28 ans.

Les artistes ont affirmé avoir choisi le Canada comme symbole d'un pays «accueillant et où l'indépendance de la culture est respectée».

Le gouvernement de centre-gauche du Premier ministre Victor Ponta a suscité une levée de boucliers dans la communauté artistique après avoir décidé par le biais d'une ordonnance d'urgence de faire passer l'ICR, principal promoteur de la culture roumaine à l'étranger, sous la tutelle du Sénat.

Cette décision devrait entraîner un remplacement de l'équipe de direction.

«Tout cela se passe d'une manière crasse, par une ordonnance d'urgence, sans aucun débat, aucune consultation avec les artistes», a regretté la chorégraphe Vava Stefanescu.

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées dans la soirée devant l'ICR, au centre de Bucarest, pour demander au gouvernement de revenir sur sa décision.

Portant des noeuds papillons, clin-d'oeil à celui qu'arbore souvent le président de l'ICR, l'essayiste Horia Patapievici, nombre de manifestants ont dénoncé une «ingérence brutale dans l'action d'une institution qui fonctionne bien».

Le nouveau gouvernement, arrivé au pouvoir le mois dernier à la suite d'une motion de censure, «disait que la Roumanie est confrontée à des urgences liées à la crise économique, or il semble maintenant que la seule urgence était de politiser, et peut-être de démembrer, l'ICR», a déclaré à l'AFP l'écrivain et directeur de la grande maison d'édition roumaine Humanitas, Gabriel Liiceanu.

«Je suis ici pour défendre un principe, il faut éviter toute immixtion politique dans l'activité d'une institution culturelle», a souligné un autre manifestant, Doru Cristescu, 59 ans.

Des centaines d'artistes de renom et des ONG de défense de l'État de droit ont dénoncé depuis plusieurs jours la décision du gouvernement concernant cet Institut, équivalent du British Council ou de l'Institut Goethe.

Le cinéaste Cristian Mungiu, plusieurs fois primé à Cannes, a qualifié la décision de «purge».

«L'Institut est une des rares institutions qui fonctionne extraordinairement bien en Roumanie, il n'y a pas de raison de changer les choses», a estimé le cinéaste Cristi Puiu, prix Un certain regard à Cannes qui a souligné à plusieurs reprises la contribution de l'ICR au succès du cinéma roumain à l'étranger.