La poursuite en diffamation qu'a intentée le cinéaste Claude Fournier contre l'ancien directeur des programmes de Radio-Canada, Mario Clément, de 2005 à 2008, a coûté plus de 1 million de dollars en frais d'avocats à la société d'État, révèlent des documents obtenus par La Presse. C'est près de trois fois plus que pour le désormais célèbre procès Péladeau-Lafrance.

En tout, Radio-Canada a dépensé près de 1,5 million de dollars en frais d'avocats durant la même période pour défendre des employés dans une dizaine de poursuites fort médiatisées, dont celle intentée par le chef mohawk James Gabriel (64 000$) ou celles concernant les propos de Doc Mailloux sur les Noirs (60 000$). La SRC a accepté de divulguer ces informations près de quatre ans après notre demande d'accès à l'information initiale, déposée en 2008.

Selon les documents reçus, c'est la cause Fournier-Clément qui a suscité - et de loin - les dépenses les plus élevées: 1 074 515$. C'est cinq fois plus que les 200 000$ que Radio-Canada a dû verser en dommages et intérêts à Claude Fournier et à sa productrice Marie-José Raymond, en 2008, pour les propos jugés «abusifs» de son directeur des programmes de l'époque envers leur minisérie Félix Leclerc, diffusée début 2005.

Interrogé par des journalistes sur ce qu'il pensait de l'oeuvre, Mario Clément avait déclaré qu'elle était «le parfait exemple de ce qu'il ne faut pas faire». «C'est une des plus mauvaises séries que j'ai vues à la télé. Je n'aime pas la réalisation, les textes et les acteurs», avait-il ajouté. Cela lui a valu une poursuite en diffamation de 4,3 millions.

Des excuses auraient suffi

«Des excuses publiques ne nous auraient amené aucune joie, mais elles nous auraient satisfaits et tout aurait été fini, a assuré le cinéaste lors d'une récente entrevue accordée à La Presse. Mais la SRC est une société rancunière qui ne s'excuse pas.»

Après plus de trois ans de procédures, quelque 15 jours de préinterrogatoire et un procès de près d'un mois, un juge a tranché en faveur du tandem Fournier-Raymond; il lui a toutefois accordé 4,1 millions de moins que ce qu'il réclamait.

«Plusieurs facteurs expliquent les frais juridiques qui peuvent sembler élevés dans cette cause», indique Nathalie Moreau, chef promotion télévision et information de la chaîne. Elle cite en exemple la longueur du procès, nettement supérieure à la moyenne, et le montant de la poursuite.

«Considérant l'ampleur des dommages pécuniaires réclamés, Radio-Canada a consacré tout le temps nécessaire pour les contester. D'ailleurs, la cour n'a accordé aucun dommage pécuniaire. Elle a aussi refusé la demande relative aux frais d'avocats et réduit les dommages moraux à 200 000 $, explique-t-elle. Radio-Canada a le devoir de se défendre et gagne d'ailleurs la majorité des causes.»

Avec la collaboration de William Leclerc