Pierre-Luc de Saint-Félicien aime le heavy metal, alors que Jimmy de Rouyn-Noranda chante du hip-hop et que Shana de Maliotenam est une jeune Amérindienne de style emo très assidue sur Facebook. «J'aimerais ça faire le tour de la planète, confie l'adolescente, assise au bord de la mer sur la Côte-Nord. Je trouve qu'il y a plus de monde qui me ressemble sur l'internet qu'ici dans le village.»

Mis en ligne demain à midi sur le site de l'ONF, Ma tribu, c'est ma vie est «une immersion dans le monde des réseaux sociaux virtuels», à travers huit personnages plutôt marginaux dans leur milieu. Le projet de documentaire web interactif, que La Presse a pu expérimenter hier, suscite une réflexion «sur la façon dont l'internet transforme les relations interpersonnelles et contribue à forger l'identité».

Hugues Sweeney, responsable des productions interactives à l'ONF, a lancé l'idée du projet à la réalisatrice Myriam Verreault (À l'ouest de Pluton), qui est partie à la recherche de personnages associés à diverses communautés musicales. «Habituellement, on va sur le terrain. Mais là, mon terrain, c'était l'internet», explique-t-elle.

Myriam Verreault cherchait des gens vivant à l'extérieur des grands centres. «Maintenant, la personne marginale n'est plus isolée en région. Elle peut se connecter sur l'internet avec des gens comme elle.»

La réalisatrice ne voulait pas donner la parole à des spécialistes, mais simplement laisser parler ses personnages qui n'ont pas de recul sur leur temps passé et sur leur comportement sur le web. «Je ne voulais pas porter de jugement», souligne-t-elle.

Développer une grande vie sociale sur le web peut avoir du positif comme du négatif, a constaté Myriam Verreault. «Patrick, l'homme de Rawdon qui s'associe au style gothique, n'a aucun lien d'amitié. Quand il a des commentaires sur les photos qu'il met en ligne, ça lui fait plaisir. Ça comble son besoin social, mais en même temps, c'est une béquille facile», explique Myriam Verreault.

À l'inverse, pour un gars comme Sébastien (qui est fasciné par les Harajuku Girls au point de se déguiser comme elles), le forum de discussion de Harajuku Québec «lui a permis de devenir l'être épanoui et beau qu'il est devenu». Pour Myriam Verreault, qui a associé chacun de ses huit protagonistes à un archétype, Sébastien est un papillon. «Le forum de discussion a été pour lui un cocon.»

Les internautes en relation

Ma tribu, c'est ma vie n'est pas un documentaire, mais un véritable projet interactif. L'internaute est invité à «habiller» son propre avatar en répondant à différentes questions sur ses consommations web et musicales. Il peut visionner les segments vidéo de chaque protagoniste. Pendant toute la durée des huit témoignages, des capsules avec des statistiques interpellent l'internaute.

Chaque personnage décrit sa vie sociale sur l'internet. «Je me sens moins seul», dit Patrick. Pour Janis, DJ et amatrice de musique électronique de Québec, le site de Rave Zone est comme «une cafétéria avec plein de tables de sous-groupes». Pour Jimmy, un amoureux de la pêche élevé par sa grand-mère en Abitibi, écrire des chansons hip-hop lui a permis de se sortir d'un problème de consommation et de libérer l'agressivité qui dormait en lui.

Ma tribu, c'est ma vie est une «mise en abîme». «L'interactivité est comme un miroir.» En voyant les différents témoignages, l'utilisateur/spectateur s'interroge sur sa propre quête d'identité sur le web. «Ça nous ramène à nous», conclut Myriam Verreault.

L'adresse du projet mis en ligne demain à midi est le https://interactif.onf.ca/#/matribu