On le sait, les artistes ne roulent pas sur l'or, mais ça ne les empêche jamais de nous offrir des spectacles riches en émotions, fructueux, généreux. Voici donc un ultime bilan, celui de tous ces spectacles qu'ils nous ont offerts sur scène et que nous avons vus, aimés, découverts... et parfois détestés, cette année, en théâtre, humour, cirque, musique et danse. Juste avant que le rideau ne tombe sur 2010.

CIRQUE

Éric Clément

La production de l'année

Le spectacle iD, Cirque Éloize

Créé par Jeannot Painchaud et rodé en Corée du Sud, ce show survitaminé a marqué le Festival Montréal complètement cirque 2010. Dépeint comme un West Side Story hip-hop du cirque, iD a été encensé à Toronto, en France et en Belgique. E comme Éloize. E comme éblouissant. E comme excellente musique de Jean-Phi Goncalves et Alex McMahon.

Le flop

Boom Town, Cirque Mechanics

Génial sur un vélo et avec le Cirque du Soleil, le fondateur de la troupe américaine Cirque Mechanics, Chris Lashua, avait conquis la Tohu en 2008 avec Birdhouse Factory. Mais Boom Town a raté le coche. Une histoire de ruée vers l'or banale et des artistes qui ne vont pas au bout d'eux-mêmes. L'anti-iD.

La révélation

James Thierrée

Très connu en Europe, le comédien, acrobate, mime et danseur suisse James Thierrée n'était jamais venu en Amérique du Nord présenter un de ses shows. La scénographie laisse toute la place à l'imaginaire et au fantastique. Touchant, humain et d'une grande beauté, Raoul était l'événement circassien de l'automne. Thierrée est bien le petit-fils de Chaplin...

La surprise

L'École nationale de cirque

On savait que les finissants de l'École nationale de cirque avaient un tel talent qu'ils étaient prêts à intégrer les grandes troupes de cirques du monde, mais les deux spectacles de fin d'année, en juin, étaient époustouflants et ont illustré un niveau de qualité exceptionnel. Deux spectacles qui auraient pu partir en tournée. Une idée à retenir?

Un grand moment

Thibaut Philippe et son vélo

Le spectacle iD était un grand moment de cirque avec des numéros exceptionnels. S'il ne faut en retenir qu'un, le numéro de Thibaut Philippe qui grimpait partout, sur des cubes et jusqu'en haut d'un mur avec son vélo, était fascinant. Après avoir roulé à toute allure parmi les spectateurs éberlués, il en a choisi un. Le cobaye a dû mouiller sa chemise...

THÉÂTRE

Alexandre Vigneault - Jean Siag - Marie-Christine Blais

La plus jubilatoire

Chante avec moi, avec sa distribution de 50 acteurs, a été le spectacle le plus vivifiant de l'année. La force de ce spectacle, écrit par Olivier Choinière et mis en scène par l'auteur et Alexia Bürger, tient à l'habile manière dont la forme faisait corps avec le propos. Une fantastique déconstruction des codes du spectacle, qui incitait le spectateur à réfléchir aux formatages idéologique, artistique ou médiatique, menée sur un ton jubilatoire.

La plus drôle

Avec un culot qui l'honore, Serge Denoncourt a tourné le dos au Goldoni joli pour plonger Il Campiello dans l'humour burlesque. Sa mise en scène vive, et portée par une distribution virtuose, sentait la sueur, le sexe et l'alcool et était parsemée d'anachronismes à crouler de rire, dignes des aventures d'Astérix. À pleurer de joie!

Des pièces-fleuves formidables

En 2010, les metteurs en scène qui ont osé faire exploser les barrières du temps ont offert les spectacles les plus formidablement engageants. Robert Lepage nous a émus avec sa fresque intime Lipsync d'une durée d'environ neuf heures. Ivo Van Hove nous a étonnés avec son adaptation radicalement contemporaine des Tragédies romaines de Shakespeare (six heures). Wajdi Mouawad nous a secoués profondément avec le Sang des promesses, spectacle de 12 heures applaudi comme une rock star.

Géniale réinvention

René Richard Cyr a fait preuve d'une maîtrise et d'un à-propos extraordinaires dans son adaptation musicale des Belles-soeurs, conçue avec Daniel Bélanger. D'un seul coup, il a dépoussiéré l'oeuvre de Tremblay, sans la faire changer d'époque. Magistral.

Talent à suivre

La metteure en scène Catherine Vidal a livré une brillante adaptation du Grand cahier d'Agota Kristof au Quat'Sous. Son imparfaite adaptation d'Amuleto n'ébranle pas l'estime qu'on a de son talent. Sa «micro unité théâtrale» intégrée au projet Naissances du NTE fut d'ailleurs la plus réussie.

Du bonbon

Sextett, comédie érotique qui mettait en vedette Micha Lescot, Anne-Marie Cadieux et Marie-France Lambert en femme-chienne, fut un vent de fraîcheur. Mémorable. Autre plaisir immédiat: Le moche avec Sébastien Dodge dans le rôle d'un homme qui découvre sa mocheté. Et fait tout pour rectifier cette injustice.

Performance d'acteur

On n'oubliera pas de sitôt Sébastien Ricard dans La nuit juste avant les forêts. Il rend le texte de Koltès avec une émotion et une précision hallucinantes. D'un seul souffle tout en nuances. Sami Frey a aussi offert une magistrale interprétation de Premier amour, de Samuel Beckett, où un vieil homme livre en pâture ses doutes et ses certitudes sur l'amour.

Le théâtre qui dérange

Buffet chinois, de Momentum, nous conviait à la fin du monde. Mon corps deviendra froid, d'Anne-Marie Olivier, disséquait une famille pleine de rancoeurs et de blessures. À présent, de Catherine-Anne Toupin, a défrisé les spectateurs de chez Duceppe avec un suspense qui décrivait l'étrange relation entre deux couples. Trois oeuvres pleines de remous et de malaise. Et qui marquent.

Le Flop

Paradis perdu. Hélas, même le paradis peut être pavé de bonnes intentions, y compris celle de défendre la Terre. Malgré des effets visuels exceptionnels, une scénographie à couper le souffle, des projections révolutionnaires et des éclairages hallucinants, l'oeuvre concoctée par Dominic Champagne n'a pas connu le destin souhaité, en raison du livret, des interprètes et de la musique, qui ont sombré dans l'enfer du cliché.

HUMOUR

Éric Clément

La production de l'année

Patrick Groulx

Même si Martin Petit, avec son Micro de feu, était le spectacle le plus réfléchi de l'année et celui de Mike Ward, le plus déroutant, Patrick Groulx mérite la palme 2010 de la production de l'année pour la façon intelligente qu'il a eue de faire rire le public aux éclats tout en philosophant sur la vie, la sienne et la nôtre.

Le flop

Jean-Thomas Jobin

Jean-Thomas Jobin est un humoriste sympathique et brillant qui avait réussi son entrée officielle dans le métier avec son premier one man show au Gesù en 2005. Il a malheureusement raté le coche avec Soulever des Corneliu. Oui, les jobinistes purs et durs ont aimé. Mais les autres - ça fait du monde - n'ont pas adhéré ou compris. N'est pas Denis Drolet qui veut.

La révélation

Jérémy Demay

Ça fait quelque temps que le plus français des humoristes québécois, comme on aime l'appeler, fait les bars et boîtes à chansons pour roder son stock. Cette année, Jérémy Demay a fait lever d'un seul bond tout le public du Théâtre St-Denis à l'issue de son numéro présenté durant le gala des Français, à Juste pour rire. On a hâte de voir son premier one man show...

La surprise

Dominic Paquet

Avec des blagues de gars fiers d'être des gars et un décor original, Dominic Paquet peut se targuer d'avoir parfaitement réussi son deuxième one man show, Paquet voit le jour. Comme pour un saut en parachute, c'est toujours plus dur la deuxième fois. Avec Pierre Fiola pour ciseler ses textes et Michel Courtemanche pour aiguiser ses zygomatiques, il mérite un troisième saut.

Un grand moment

Guy Nantel et les Olympiques

Les humoristes qui animent des galas Juste pour rire se creusent toujours la tête pour savoir quelles personnalités inviter. Après avoir planté les athlètes handicapés, les lutteurs et les femmes, Guy Nantel a eu la surprise, lors de son gala, de voir arriver Chantal Petitclerc, Joannie Rochette et Jacques Rougeau sur scène. Guy Nantel va s'en souvenir! Et nous aussi!

DANSE

Stéphanie Brody Collaboration Spéciale

La production de l'année

Tous les noms de María Muñoz

À sa deuxième présence à Montréal, María Muñoz réussit encore à me séduire, cette fois avec Tous les noms, présenté à l'Agora de la danse, en octobre. La chorégraphe et interprète catalane a offert un solo fin et nuancé, entre le conte et la réalité. Longue vie au lapin Carnaval!

Le flop

Boa Goa de Pigeons International

J'ai penché un moment pour View Partially Obstructed de Gibney Dance, à l'esthétique si dépassée, mais j'opte pour une création, soit Boa Goa, présentée en mars par Pigeons International. Dommage, ce voyage trop superficiel au pays des ancêtres de Paula de Vasconcelos, elle qui sait d'habitude si bien nous dépayser.

La révélation

Sylvain Senez dans The Strange Adventure of Myself de Serge Bennathan

Sylvain Senez est un danseur... à la retraite! Mais voilà, le Montréalais d'origine brille dans son trop bref retour à la scène, dans un solo épuré créé pour lui par Serge Bennathan et présenté à Transatlantique Montréal en septembre. Pour son phrasé, ses jeux d'immobilité et de silence, son assurance...

La surprise

Hymn to the Universe de Coleman Lemieux&Compagnie

Déroutant, au début, ce délire plein de ruptures de ton et d'esthétique. Mais j'ai rapidement été gagnée par le naturel et la folie du Sun Ra Arkestra, qui agit comme le superbe liant de ce happening.

De grands moments

Pêle-mêle

Moments de groupe et moments solos: les frétillements orchestrés de S'envoler d'Estelle Clareton; d'hallucinants essaims d'hommes dans Emergence de Crystal Pite (Ballet national du Canada); Avatar, la réflexion de Freya Olafson sur les médias sociaux, à Tangente; Dave St-Pierre et la danse-vérité de Bibelot; et le très zen Martin Bélanger dans A-Maze.

MUSIQUE

Le spectacle de l'année

Paul McCartney

La grand-messe de l'année célébrée au Centre Bell, le 12 août, par le plus créatif des marchands de bonheur.

- Alain de Repentigny

Yann Perreau et ses amis les étoiles

L'un des plus généreux et électrisants mégaspectacles extérieurs gratuits jamais vus grâce à Yann Perreau et ses copains Ariane Moffatt, Samian, Loco Locass, Fred Fortin et Bernard Adamus, devant des milliers de personnes qui dansent et chantent sous les étoiles, le 14 juin, sur la place des Festivals.

- Marie-Christine Blais

The National et Arcade Fire Deux groupes qui marqueront leur époque en spectacle à tour de rôle à la belle étoile et sous les feux d'artifice, pendant une belle nuit chaude d'été, le 31 juillet, au parc Jean-Drapeau... C'était un moment magique.

- Émilie Côté

John Zorn's Masada Marathon

Le plus prolifique des compositeurs et improvisateurs de musique actuelle a déployé ses géniales déclinaisons sur plus de quatre heures de pur bonheur, le 1er juillet, au Théâtre Maisonneuve.

- Alain Brunet

Malajube et Cubes Rubiques

Le concert de Malajube s'est avéré être un véritable tour de force, le 14 juin, au Théâtre Maisonneuve. Un premier quart façon électro-pop/Kraftwerk, une suite folk-américana, un retour d'entracte métal et, enfin, Malajube sous son «vrai» jour. Audacieux, risqué, unique.

- Philippe Renaud

Le spectacle intime

Jean-Louis Murat

Le spectacle total d'un grand de la chanson française, magnifique auteur, compositeur, chanteur et guitariste, à L'Astral, le 10 juin.

- Alain de Repentigny

Radio Radio

Le trio hip-hop chiac Radio Radio a transformé le Cabaret Juste pour rire, le 13 juin, en discothèque folle, en sauna sauvage, en jungle rythmique. Même les porte-savons des toilettes des filles vibraient à l'unisson... - Marie-Christine Blais

The Besnard Lakes

Une petite salle de quartier, le Il Motore, pleine à craquer et des hôtes-musiciens complètement en symbiose sur scène: un lancement d'album chaleureux et «en famille».

- Émilie Côté

Vijay Iyer Trio

La maturité atteinte par ce grand pianiste américain (d'origine indienne) s'est particulièrement manifestée avec le trio qu'il forme avec le contrebassiste Stephan Crump et le batteur Marcus Gilmore, le 25 juillet, au Gesù.

- Alain Brunet

Deerhoof

On attend d'ici quelques semaines le nouvel album Deerhoof vs. Evil, qui figurait en primeur au programme du concert offert cet automne, à La Tulipe, par cet influent quartet américain. Un des meilleurs moments du festival Pop Montréal 2010.

- Philippe Renaud

LES CHOIX DE L'ÉQUIPE

Le show le plus spectaculaire

Roger Waters

Même les sceptiques ont été confondus. Les gens réunis au Centre Bell pour l'occasion, en octobre, ont eu droit à une version scénique de The Wall qui ne se compare à aucun autre spectacle. Une orgie pour les yeux et les oreilles.

La révélation

Weezer

C'est connu, le chanteur Rivers Cuomo a un tempérament plutôt instable, mais à la surprise de tous, il était dans une forme insoupçonnée (et presque disjonctée!) à la clôture du festival Osheaga, le 1er août, au parc Jean-Drapeau.

Le flop

Charlotte Gainsbourg

Elle devait se produire à Montréal trois mois plus tôt, mais elle n'était pas prête. Malheureusement, Charlotte Gainsbourg n'était pas plus à la hauteur à l'Olympia, à la fin du mois d'avril. Avec son très mince filet de voix, elle était complètement figée et elle lisait les paroles de ses chansons sur des feuilles de papier.