Et la gagnante est... Coeur de pirate! S'il fallait décerner notre trophée de Révélation de l'année en France, Béatrice Martin serait indéniablement la grande favorite.

Elle est certes apparue pour la première fois à Paris en mai 2009, avec le succès instantané de la chanson Comme des enfants, et son spectacle à la Boule Noire a tourné à la petite émeute. Mais c'est en 2010 qu'a eu lieu la consécration officielle.

Le 6 mars, à la surprise générale, elle remporte à 20 ans le prix très convoité de la Chanson originale de l'année aux Victoires de la musique. Remplit l'Olympia le 15 mars et le 7 juin, de grandes salles en province, triomphe dans divers festivals. Avant l'été, on parle de 300 000 albums vendus, ce qui est colossal dans un contexte d'effondrement général des ventes de disques.

Un démarrage si précoce et fulgurant que chacun se demande si Coeur de pirate saura gérer un tel succès et tenir la distance. On l'attend à Paris en 2011 avec un nouvel album.

Dans un registre différent, mais également commercial - en tout cas grand public -, l'imitatrice Véronic DiCaire a déjà connu un début de consécration en jouant à guichets fermés du 2 au 14 novembre derniers à la Cigale (800 places).

Le succès est tel qu'on a réservé pour elle l'Olympia les 8 et 9 janvier.  Depuis ses spectacles au Gaîté-Montparnasse à l'automne de 2009, Véronic DiCaire a beaucoup tourné en province.  Et en Belgique: «Elle vient de terminer une tournée belge triomphale sold-out partout sur son passage», écrivait Le Soir de Bruxelles le 3 décembre. Des grands médias l'ont encensée, la qualifiant de «femme caméléon», «femme juke-box», «imitatrice surdouée». «Paris craque pour DiCaire», titrait Le Parisien le 6 novembre. Parce qu'elle «maîtrise 40 voix à la perfection». À la manière d'André-Philippe  Gagnon, qui a connu de grands triomphes à Paris au milieu des années 90.

Dans un secteur beaucoup plus artisanal, deux autres jeunes femmes ont également connu un véritable succès à leur échelle. La Montréalaise d'origine vietnamienne Kim Thuy a indéniablement créé l'événement, au tout début de l'année, avec un bref récit sur son enfance à Saigon et la fuite en bateau. Publié à Paris chez Liana Levi - petit éditeur de qualité -, Ru a reçu un accueil formidable dans les médias parisiens. Et aurait vendu plus de 30 000 exemplaires. Presque autant que le Médicis 2009 de Dany Laferrière qui en est aujourd'hui à 40 000 exemplaires.

Au rayon des «triomphes confidentiels», Lucie Laurier et sa soeur Angela présentaient en février dernier au Palais de Chaillot un spectacle de théâtre-danse, J'aimerais pouvoir rire, qui a eu un succès énorme au festival Anticodes, et a été signalé par une page entière dans Libération avant de faire plusieurs dates en tournée en France et dans divers pays européens.

Et aussi les hommes...

Autre surdoué de la création, le réalisateur Xavier Dolan avait déjà étonné le monde en mai 2009, en se retrouvant à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes avec J'ai tué ma mère. Il a récidivé en 2010 avec Les amours imaginaires et s'est trouvé au seuil de la consécration. Sorti dans une centaine de salles, le film a fini par frôler les 150 000 entrées cet automne. Un joli succès, qui n'est pas encore un triomphe. On attend le troisième opus, Laurence Anyways, coproduit par MK2, avec un budget de quelque 10 millions de dollars.

En 2010, les nouveaux venus ont été en majorité des nouvelles venues.

Mais, dans le même temps, des vedettes déjà bien établies ont confirmé leur réputation. En tête de liste, l'humoriste et homme-orchestre Anthony Kavanagh: il avait tenu le théâtre du Gymnase au cours de quatre mois l'année dernière (deux fois deux mois). Le voilà qui vient de remplir Bobino pendant deux mois et demi. Tout en mettant la dernière main à une émission de montage et d'humour, Nous avons les images, diffusée sur une chaîne du groupe Canal.

Très présent depuis quelques années à la télé par les émissions «Juste pour rire», Stéphane Rousseau a lui aussi accédé cette année à la catégorie poids lourd, en faisant le Palace plus de deux mois en fin d'année. Au milieu d'une importante tournée en province.

Robert Lepage, qui est désormais l'un des 10 metteurs en scène les plus sollicités au monde - notamment pour l'opéra -, a fait un détour en juillet au festival d'Aix-en-Provence pour venir y montrer une sublime production du Rossignol et autres fables de Stravinsky. Plus discret à tous points de vue, Denis Marleau a reçu de la Comédie Française une prestigieuse commande et prépare sa mise en scène d'Agamemnon de Sénèque le 21 mai prochain à la Comédie Française.

Dans une certaine discrétion également, Lewis Furey, après trois décennies, est remonté sur scène en février à L'Européen, pour recevoir les critiques dithyrambiques des Inrocks et de Libération. Pierre Lapointe a poursuivi avec succès sa carrière de chanteur poète avec un spectacle à la Cigale en mars dernier. De la même manière, Fred Pellerin, encensé par de nombreux critiques parisiens de haut vol, a lui aussi convenablement tenu L'Européen pendant deux semaines en novembre.

Des échecs? Il y en a moins qu'avant, sans doute parce que ceux qui se produisent aujourd'hui en France débarquent précédés d'une solide organisation et d'une connaissance du terrain.

Signalons tout de même la curieuse aventure survenue à Victor-Lévy Beaulieu, dont l'imposant roman Bibi a été lancé par Grasset avec de gros moyens. Notamment un voyage de presse d'une demi-douzaine de personnes au Québec. Et une place de finaliste au prix Décembre. Mais sans résultat notable, malgré deux ou trois critiques flatteuses.

Autre cadavre en bord de route: la version française des Bougon sur m6. Les deux premiers épisodes, diffusés en octobre 2008 - et d'ailleurs fort réussis - avaient fait bonne figure en obtenant une audience un peu supérieure à la moyenne de la chaîne. Les deux épisodes suivants, diffusés en janvier dernier, et tout aussi réussis, ont eu des résultats catastrophiques en termes d'audience. À la télé, on réussit rapidement. Et on meurt tout aussi vite.