On comprend mieux pourquoi la version originale de La chambre bleue s'appelait La ronde. Cette pièce est en effet un véritable ballet de rencontres amoureuses. Amours passagères pour la plupart, moments furtifs de vertiges.

Et pourtant, ce texte qui met à mal les relations amoureuses durables et fait en quelque sorte l'apologie de notre besoin d'amours multiples a été écrit par l'Autrichien Arthur Schnitzler il y a 110 ans! Bien sûr, l'Anglais David Hare l'a mis au goût du jour, mais le propos est demeuré le même.

La cohorte 2010 du Conservatoire d'art dramatique, dirigée par Patricia Nolin, en fait une lecture extrêmement vivante et actuelle. Les huit jeunes comédiens forment un ensemble cohérent avec une évidente complicité. Et même si leur interprétation est inégale, le plaisir qui émane de leur jeu est contagieux.

Presque chacune des saynètes de La chambre bleue se passe... dans une chambre à coucher. Les femmes sont adultères ou prostituées ou simplement dévergondées; elles obéissent à leur instinct primaire. Ces relations n'ont aucune logique rationnelle. Pas pour rien qu'on a surnommé Schnitzler «le pornographe»... Les hommes, eux, sont menteurs, manipulateurs, et profitent autant qu'ils peuvent de ces situations parfois offertes sur un plateau d'argent. Nous devenons ainsi les témoins silencieux de leur double vie, souvent dans des scènes qui se suivent, un procédé qui s'avère très efficace.

Rondes amoureuses

La grande force de cette pièce demeure sa mise en scène. Patricia Nolin coordonne magistralement ces rondes amoureuses minutieusement chorégraphiées. Appuyées par des choix musicaux judicieux qui, chaque fois, créent des ambiances sulfureuses. Dans l'attente d'un acte amoureux.

Ces déplacements astucieux et ces changements de décor «à vue» renforcent la présence des comédiens, qui s'approprient littéralement la scène et sautent à pieds joints dans cet exercice de provocation qui pourrait très bien décrire la jeunesse d'aujourd'hui.

Sauf qu'à bien y penser, elle concerne à peu près tout le monde. D'hier à aujourd'hui.

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La chambre bleue, au Conservatoire d'art dramatique de Montréal jusqu'au 25 novembre.