Ne lui parlez surtout pas de ses frasques de jeunesse. Quarante ans après avoir été chanteur des Sinners («Penny Lane est une rue dans une petite ville...») et de La Révolution française («Québécois, nous sommes Québécois»), François Guy refuse catégoriquement de parler du passé. «Ça ne m'intéresse pas, je ne vois tout simplement pas l'intérêt», lance-t-il d'un air presque agacé.

On peut comprendre. À 63 ans, François Guy a mieux à faire que de revenir sur ses années psychédéliques. Il est sur le point de lancer un nouvel album (Je préfère le bonheur) et ne cache pas qu'il préférerait parler du présent. Souhait d'autant plus légitime qu'il s'agit de son premier disque depuis... 1982.

Pourquoi un si long silence? La vie, tout simplement. En 28 ans, l'ancien Sinner s'est occupé de sa famille, a composé pour le cinéma et la télé (L'amour avec un grand A) et écrit des chansons pour d'autres (To be or not to be la Vie, de Chloé Sainte-Marie). Depuis 10 ans, il est aussi l'âme dirigeante de la SACEF (Société pour l'avancement de la chanson d'expression française) et du concours Ma première Place des Arts, un poste qui lui prend tout son temps.

«J'étais pris dans autre chose, résume le chanteur. Il n'y avait pas l'urgence de l'étincelle.»

L'étincelle en question est venue il y a cinq ans, dans la maison de l'ami Manuel Brault, à Grande-Vallée. Un soir, comme ça, François Guy a joué quelques chansons qui dormaient dans ses valises. Brault a flashé sur C'est grand la vie et lui a proposé de l'enregistrer sur-le-champ. Le feu venait de se raviver.

De fil en aiguille, Je préfère le bonheur a pris forme. Avec l'aide du parolier Jean-Guy Prince, Guy a créé une dizaine de chansons folk-pop-rock ultra-mélodiques en évitant habilement la loi de la gravité. D'où ce titre résolument optimiste, que le chanteur assume complètement.

«Je n'y peux rien, dit-il, je suis né heureux. J'aurais pu faire un disque heavy. Comme tout le monde, j'ai eu des périodes plus difficiles. Mais je ne voulais pas tomber dans le larmoiement, je voulais communiquer le bonheur.»

Sorti de nulle part

Il reste à voir quel accueil on réservera à cette galette sortie de nulle part. Avec seulement quatre albums parus depuis 1973 et aucun spectacle en presque 30 ans, on ne peut pas dire que François Guy ait entretenu une relation très soutenue avec son public. Autant dire qu'il faudra pédaler un peu plus fort pour le retrouver et le reconquérir.

Le chanteur hausse les épaules et affirme n'avoir aucune attente. Il a fait ce disque avec son argent, sans pression, pour le plaisir. Et se dit simplement gâté d'avoir été appuyé par une maison de disques établie (les Disques Star d'André Di Cesare).

Pour le reste, on verra bien. Et cela commence pas plus tard que samedi soir au Studio-Théâtre de la Place des Arts, dans un spectacle qui tiendra lieu de lancement. François Guy chantera à qui veut l'entendre qu'il «préfère le bonheur» et promet - ô surprise - quelques clins d'oeil à sa jeunesse délinquante.

Une chanson des Sinners, peut-être? «Juste un extrait», répond-il. Du bout des lèvres.

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François Guy, Je préfère le bonheur (Star/Select), en spectacle le samedi 13 novembre au Studio-Théâtre de la Place des Arts.