Consciente des problèmes financiers affligeant le Musée Juste pour rire, la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, n'a toutefois pas caché sa surprise devant la fermeture imminente de l'institution, qui lors de son ouverture controversée en 1993 avait bénéficié d'une aide de 13,5 millions de dollars de la part des différents ordres de gouvernement.

Ainsi, 17 ans plus tard, faute de revenus, la direction du musée a annoncé mercredi la fermeture de l'endroit le 1er janvier. Incapable de rentabiliser ses activités et devant la difficulté de trouver des fonds pour effectuer des rénovations, l'institution n'avait d'autre choix que de fermer ses portes.

La ministre St-Pierre a été mise au parfum de cette décision lors d'une rencontre la semaine dernière avec Gilbert Rozon, fondateur du musée et de Juste pour rire. Si elle était au courant des difficultés financières qui affectaient l'institution, elle a tout de même admis avoir été surprise d'apprendre la fin abrupte des activités muséales.

«Je ne pensais pas que la décision viendrait aussi rapidement. Je croyais qu'il y avait peut-être quelques années devant nous, a-t-elle mentionné hier, au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse. À l'époque, on pensait que c'était un projet qui avait beaucoup de potentiel. Je pense qu'il (Gilbert Rozon) prend une décision qui est responsable, compte tenu de la situation actuelle.»

Mme St-Pierre ajoute du même souffle que Gilbert Rozon ne lui a formulé aucune demande d'aide financière. «Il a toujours considéré que c'était un OBNL (organisme à but non lucratif) et que le gouvernement avait quand même fait beaucoup lors de la création.»

Débuts controversés

Rappelons que l'ouverture du Musée Juste pour rire en 1993, dont l'édifice est situé sur le boulevard Saint-Laurent, en plein coeur du Quartier des spectacles, était loin de faire l'unanimité au sein du milieu culturel montréalais. Même les fonctionnaires du ministère de la Culture ne croyaient pas en la viabilité d'un tel projet. Décrié de toutes parts, il a tout de même reçu l'appui des gouvernements. Un an après sa création, Gilbert Rozon a même dû mettre le musée sous la protection de la Loi de la faillite. L'endroit, qui a notamment présenté une exposition représentant en quelque sorte le parcours chronologique du rire à travers les époques, avait visiblement du mal à attirer des visiteurs.

«C'est un musée qui n'a jamais réussi à se renouveler, estime Simon Brault, président de Culture Montréal, qui ajoute du même souffle ne pas être surpris par la fermeture de l'institution. C'est un projet qui n'a jamais été justifiable, dit-il sans détour. C'était un projet bancal dès le départ.»

De son côté, Gilbert Rozon a rejeté toutes les demandes d'entrevue de La Presse, prétextant qu'il «avait tout dit mille fois». Il a préféré renvoyer les questions des journalistes au directeur général du Musée Juste pour rire, David Heurtel.

Vocation culturelle

Par ailleurs, la fermeture de l'institution ne devrait pas sonner la fin des activités culturelles à l'intérieur de l'édifice patrimonial. Le ministère de la Culture et la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) souhaitent ardemment que l'endroit conserve une vocation artistique.

Pour le moment, l'avenir de cet immeuble - appartenant à un organisme à but non lucratif - qui offre des espaces d'exposition et deux salles de spectacle, le Studio et le Cabaret, est entre les mains du ministère de la Culture et de la SHDM. La vente de l'édifice ne peut se faire sans leur accord puisqu'ils siègent au conseil de l'OBNL.

«Une rencontre est prévue en début de semaine prochaine avec le ministère, la Ville et la SHDM pour trouver une vocation culturelle à l'édifice et pour pouvoir garder en opération les deux salles de spectacle, a expliqué hier André Bouthillier, porte-parole de la SHDM. C'est un édifice patrimonial et on va tout faire pour qu'il garde la vocation qu'il avait.»

La ministre de la Culture dit espérer elle aussi que l'endroit serve à des fins artistiques. Elle ne peut toutefois pas donner de garantie à ce sujet. «Il faut aussi voir quels sont les projets qui vont se présenter, a-t-elle souligné. Ça ne restera pas vide. Mais qu'est-ce que c'est, je ne le sais pas encore.»

Les spectacles qui figuraient à la programmation du Cabaret Juste pour rire, dont celui de l'auteur-compositeur-interprète David Jalbert, auront lieu dans d'autres salles. «On a avisé les différents promoteurs afin qu'ils puissent trouver une nouvelle salle», explique le directeur général du musée, David Heurtel.