De la crise économique, on a surtout parlé du Big Bailout, de la folie des courtiers de subprimes ou des épisodes de psychose en montagnes russes de Wall Street. Aux États-Unis, l'impact a été destructeur. Ici, un peu moins. Il reste que la débâcle économique a bouleversé la réalité quotidienne de plusieurs personnes. Un projet de l'ONF s'est penché sur l'après-crise.

Pendant un an, la cinéaste Hélène Choquette a piloté le tout premier web-documentaire canadien intitulé PIB, l'indice humain de la crise économique canadienne. Huit réalisateurs et huit photographes ont participé à cette expérience réalisée partout au pays, qui trace un portrait évolutif de la crise.

Stuart et Pauline, couple terre-neuvien, filent des jours heureux jusqu'à ce que l'usine où Stuart travaille ferme ses portes. Un agent immobilier de Vancouver rame contre le courant pour triompher d'une situation où la vulnérabilité des gens est à son comble. Le propriétaire d'un restaurant haut de gamme de Windsor, au lendemain de la saignée économique, perd des plumes, mais refuse d'accrocher son tablier.

Pendant toute une année, les cinéastes de PIB - Matt Gallagher, Jeremy Gans, Pamela Gallant, Janice Goudie, Philip Lewis, Vincent Audet-Nadeau, Nathalie Cloutier, Frédéric Dubois et Marie-Claude Dupont - ont braqué leur caméra sur des monsieurs et madames Tout-le-Monde qui décrivaient en temps réel la façon dont la crise influençait leur réalité. Mine de rien, ils repensaient la façon de faire du documentaire.

Pour Hélène Choquette, réalisatrice-coordonnatrice du projet, PIB s'est avéré un laboratoire à la fois instructif et confrontant.

«On vit une période d'arrimage entre le monde du web et le monde du documentaire. À ce jour, le web a surtout été mis au point par le monde de la publicité. En documentaire, on travaille avec de petites équipes, de façon artisanale, avec des budgets limités», dit Hélène Choquette.

Dans la foulée du virage numérique de l'ONF, le projet PIB est le tout premier projet de documentaire social diffusé sur le web. Hélène Choquette qualifie cette singulière aventure comme «un projet ouvert dans une vraie démarche documentaire, qui est à la remorque des contenus».

Le fait de diffuser en temps réel et de permettre aux gens en situation de crise de se voir évoluer sur le web a apporté une nouvelle dimension dans la façon de documenter la réalité. «Normalement, on suit un protagoniste pendant un an en rapportant ses bons et mauvais coups. Au moment de visionner le documentaire, il connaît l'issue de l'histoire. Que cela finisse bien ou mal, il y a déjà un décalage ou une distanciation par rapport à ce qu'il a vécu.»

Les bons, les mauvais et les ordinaires

Pour les réalisateurs de PIB, le défi a souvent été grand de saisir la réalité des sujets. Le réalisateur Vincent Audet Nadeau, par exemple, s'est heurté à des difficultés pendant son tournage à Formétal (école des métiers de la métallurgie pour jeunes décrocheurs.)

«Ces jeunes se voyaient sur le web vivre une situation d'échec et entrevoir un avenir incertain. Parfois, ils arrêtaient de donner des nouvelles et le cinéaste, Vincent, a dû aller cogner chez l'un d'entre eux avec un pâté chinois.»

Les 250 films et essais photographiques de PIB ne racontent pas tous des histoires d'échec. On peut ainsi assister aux efforts d'un groupe de femmes de Calgary qui tentent de surmonter leurs problèmes de surconsommation et se sortir de l'endettement. «Plusieurs spectatrices se sont reconnues chez ces filles qui vont magasiner sur la carte de crédit. Cela faisait oeuvre utile comme histoire.»

À l'ère des réseaux sociaux, certains protagonistes ont essayé de se servir du média documentaire pour faire de la représentation. C'était le cas, notamment, d'un propriétaire de restaurant de Windsor qui a tenté de faire de l'autopromotion au moyen du documentaire web. Les courtiers de Bay Street ou les agents immobiliers que l'on voit en train de profiter de la crise n'ont pas non plus attiré la compassion.

Mais l'expérience web a en revanche généré certains mouvements de solidarité. Comme dans le cas d'un ancien travailleur d'AbitibiBowater devenu cultivateur de canneberges. «Au premier épisode, il se demande où il va planter. Les gens de la région ont suivi son histoire sur le web. De sorte que le jour de la plantation, plusieurs personnes sont allées l'aider», relate Hélène Choquette.

Hélène Choquette estime que, déjà, des documentaires web comme Gaza Sderot (gaza-sderot.arte.tv) ont fait école et démontré que ce média était là pour de bon. «Certaines histoires de PIB ont bien marché, il y en a d'autres que nous avons abandonnées. Mais il était important de faire ce projet.»

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On peut visionner les films du web-documentaire PIB, l'indice humain de la crise économique canadienne, à l'adresse www.pib.onf.ca