«You can call me Caesar», balance Jay-Z sur Run This Town, chanson de son plus récent album The Blueprint III avec laquelle il a ouvert le spectacle qu'il a offert hier soir au Centre Bell, après 10 ans d'absence chez nous. Le nouveau roi de New York s'est produit dans une salle bondée et survoltée, qui avait au bout des lèvres les rimes de ses nombreux succès. Il est enfin revenu, il a vu, et il a vaincu.

Icône du hip-hop, figure incontournable de la pop mondiale - il a révélé Rihanna et Kanye West -, le rappeur Jay-Z vient incidemment de fracasser le record d'Elvis Presley en faisant de son plus récent disque le 11e de sa carrière à atteindre la première position des ventes du Billboard américain. «Pour importe quel musicien, être comparé à des gens comme Elvis Presley ou les Beatles, c'est déjà impressionnant. Mais qu'un rappeur puisse atteindre ce succès, c'est simplement incroyable», avait-il confié aux médias montréalais plus tôt dans la journée, lors d'une conférence de presse.

Les fans du vétéran rappeur new-yorkais n'ont rien perdu pour attendre son retour. Jay-Z a offert un concert percutant, farci de succès, un spectacle hip-hop dans une classe à part. Dix bons musiciens l'accompagnaient sur scène (avec une section de cuivres, s'il vous plaît), sans compter les participations de sa choriste Bridget Kelly et des rappeurs Pharrell Williams (de N.E.R.D., qui a offert une dynamique première partie) et Memphis Bleek, celui-ci causant la surprise chez les aficionados.

En guise de scénographie, des écrans lumineux en forme de tours évoquant la silhouette du centre-ville de New York. L'orchestre étalé au fond, Jay-Z, tout de noir vêtu, paraissait occuper toute la scène à lui seul. C'est qu'il en impose, le gaillard, un quasi-quarantenaire qui, du haut de sa stature, dégage tout le sérieux de la démarche artistique qui en a fait l'un des rappeurs les plus respectés de l'industrie.

Le concert a débuté en crescendo, avec Run This Town, puis cette critique de l'industrie du disque qu'est Death of Autotune (du dernier disque), une affaire virant au rock musclé qui a complètement embrasé la foule. Dans les gradins, les fans criaient «Hova!», un de ses surnoms, contraction du nom Jehova - rien de moins, mesdames, messieurs.

Solide comme le roc, Jay-Z représente encore, et malgré les dérapages disons plus commerciaux de ses derniers albums, l'authenticité si chère aux rappeurs qui se disent vrais. Sa gestuelle sur scène exprime tout le sérieux de son travail: concentré et totalement absorbé par le rythme, il débite les syllabes, chevauche la prose sur ce ton sérieux et engagé qui a fait sa marque.

Pas de débordements, pas de course d'un bout à l'autre de la scène, pas de flagorneries: les succès se sont enchaînés, les fans en redemandaient. La puissante U Don't Know (du classique The Blueprint) qui a fait exploser le Centre Bell, l'écorchante 99 Problems (The Black Album, autre grand disque), puis retour à des rythmes plus dansants avec Show me What U Got, I Just Wanna Love U et, un peu plus tard, H to the Izzo (H.O.V.A.), sur un échantillonnage d'I Want You Back des Jackson 5, ici un peu trop maquillé, la chanson perdait de sa saveur originelle.

C'était le concert que les fans de hip-hop attendaient depuis trop longtemps. Trop de succès pour le temps qui nous était alloué - et c'est qu'il a quand même été généreux, le Jay-Z, prenant même le temps de rencontrer la presse locale avant son concert. La grande classe.

Au moment de quitter pour l'heure de tombée, il n'avait même pas encore joué les Big Pimpin' et Hard Knock Life, autres immortelles de ce répertoire qui sait à la fois faire danser et réfléchir, comme il l'a démontré hier soir. «Au bout du compte, tout ça n'est que de la musique, il faut avoir du fun. Je crois que je suis parvenu à trouver l'équilibre entre le fun et les chansons», avait-il dit aux journalistes, à propos de son nouvel album. L'équilibre a été atteint. Mémorable spectacle.