Quebecor envisage de concurrencer l'ADISQ avec son propre gala musical dès l'an prochain puisque ses artistes ne seront plus candidats aux mises en nomination pour les Félix. Une situation qui rappelle le désaccord persistant entre l'empire médiatique et le gala des Gémeaux.

En profond désaccord avec l'ADISQ, Quebecor songe sérieusement à lancer son propre gala musical pour les artistes sous contrat chez Musicor (filiale de Groupe Archambault, propriété de Quebecor Media). Car à moins d'une entente, les artistes associés à Quebecor ne seront pas mis en nomination pour les Félix de 2010.

Voilà la conséquence de la démission des deux cadres supérieurs de Quebecor Média du conseil d'administration de l'ADISQ, Pierre Marchand et Serge Sasseville. Effective depuis le 31 août dernier, motivée par des désaccords de fond (à commencer par la perspective d'une réglementation contraignante sur l'internet), cette démission a entraîné le retrait de Musicor de l'association de producteurs. Or, pour qu'un artiste puisse être mis en nomination dans la course aux Félix, l'étiquette à laquelle il est associé doit être membre en règle de l'ADISQ, dont le gala 2009 aura lieu dimanche.

Ainsi, pour la prochaine période de mises en nomination (du 1er juin 2009 au 31 mai 2010), ne pourront être admis: Mario Pelchat, Marie-Mai, Marie-Élaine Thibert, Lynda Thalie, Florence K, Zachary Richard, Renée Martel, Jean-François Breau, Marie-Ève Janvier, Nanette Workman, Stéphanie Lapointe, Wilfred LeBouthiller, Patrick Groulx, Jean Lapointe, Johanne Blouin, Gilles Valiquette, Martine St.Clair, les chanteurs de Star Académie, Brigitte M, Steve Marin, Nadine Medawar, Annie Blanchard et même Donald Lautrec, qui vient de renouer avec le showbiz québécois.

«Quand ta compagnie de disques n'est pas membre de l'ADISQ, tu n'as plus droit d'être reconnu par l'industrie de la musique au Québec. C'est aberrant!» a déploré Pierre Marchand, président du secteur musique chez Archambault.

«J'ai déjà proposé (au conseil d'administration de l'ADISQ) qu'on fasse un hommage à Leonard Cohen, on m'avait répondu qu'il n'était pas membre! Dans la même optique, nos artistes qui vendent 40 000 ou 50 000 albums ne seront pas acceptés par l'ADISQ. Que Musicor ne soit pas reconnu comme un label membre, pas de problème. Mais que nos artistes ne soient plus admis à l'ADISQ parce que leur étiquette n'en est pas membre, c'est une aberration. L'ADISQ changera peut-être d'idée l'an prochain, je ne sais pas... En tout cas, ça n'a pas de sens», pense Pierre Marchand.

Questionné sur l'intention de Quebecor de décliner sur toutes ses plateformes un événement parallèle au gala de l'ADISQ, il répond: «Ça se discute, ce n'est pas étranger à notre culture d'entreprise.»

Dans le domaine de la télévision, Quebecor fait déjà cavalier seul depuis quelques années en boudant le gala des Gémeaux. Ses artisans sont plutôt récompensés lors du gala Artis (voir chronique de Marc Cassivi, ci-dessus).

«Venant de Musique Plus/Musi Max, je suis un gars de télévision. Et cette partie de moi pousse très fort (pour lancer un gala parallèle), explique Pierre Marchand. Je ne pense plus que l'ADISQ représente véritablement ce que le public aime ou désire. Je préconise plutôt une approche populaire. Si nous créons un événement, on ne copiera certainement pas l'ADISQ. Ce sera un événement où le public pourra se prononcer.

«Au gala de l'ADISQ, poursuit Marchand, les votes les plus intéressants sont à mon sens ceux du public, présentés à la fin: chanson de l'année et interprètes de l'année. Les votes de l'industrie, eux, peuvent être influencés par la politique interne de cette industrie. Or, si on veut réussir dans l'industrie de la musique, il faut garder une relation de proximité et d'identification avec ton public. Si les gens ne se reconnaissent pas dans ce qu'on leur propose, ils ne sont pas intéressés.»

Pierre Marchand se défend bien d'être en guerre contre l'ADISQ, dit qu'il a «autre chose à faire», mais insiste: «Je vois les gaffes qui s'y commettent, par exemple le retrait de l'hommage au prochain gala. Je trouve que ça ne tient pas la route. Si on supprime quelque chose, on ne supprime pas l'hommage! Ça s'ajoute à nos autres désaccords.»

Aucun professionnel de Quebecor ne sera présent ce dimanche au Théâtre St-Denis. Pierre Marchand ne craint pas pour autant l'exode des artistes sous contrat chez Musicor parce qu'ils se sentiraient exclus de la course aux Félix. «Un artiste qui veut que sa carrière fonctionne ne signe pas avec une étiquette pour gagner des Félix, mais bien pour obtenir un soutien et un encadrement professionnels», dit-il.

Du côté de l'ADISQ, la directrice générale, Solange Drouin, répond: «Nos règlements stipulent que les producteurs des artistes doivent être membres afin de pouvoir en recenser les produits.»

«Nous n'avons pas eu de discussion comme quoi cette règle pourrait changer. Au plan du membership, vous savez, le retrait de Quebecor ne représente qu'une perte d'environ 2000$ par an, contrairement à ce qu'on pourrait croire.»