Le «zèle» policier dont sont victimes les bars et salles de spectacle de la métropole aura-t-il raison de la vie culturelle et nocturne de Montréal? C'est la question qu'a posée hier le DJ montréalais Ghislain Poirier au maire de Montréal dans une lettre ouverte publiée sur son site internet (www.poiriersound.com/2010/04/13/montreal-faire-face-a-la-musique/).

«Montréal se targue d'être une ville culturelle, ouverte aux artistes et aux musiciens. Or, je constate que ce n'est que de la poésie, car les faits sont tout autres», écrit en introduction Poirier, qui fut, entre autres, à l'origine des soirées Bounce le gros. «Monsieur le maire, qu'est-ce que vous êtes en train de faire à Montréal?» demande-t-il.

Depuis quelques mois, plusieurs salles montréalaises ont connu des difficultés avec le SPVM concernant le bruit. «C'est comme une longue pente, depuis un an, au niveau du zèle policier et de la façon dont le bruit est traité», d'expliquer à La Presse le DJ montréalais. Certains établissements réputés (le Main Hall ou Zoobizarre) ont ainsi été amenés à la fermeture.

Mais ce sont les déboires récents de la Société des arts technologiques (SAT) qui font déborder le vase, selon Ghislain Poirier. Lors d'une soirée de la fin du mois de mars, la SAT a été avisée d'une plainte concernant le bruit. Depuis, la SAT a dû revoir ses normes sonores à la baisse, entraînant le déménagement de plusieurs soirées.

Pourtant, contrairement aux bars visés par les plaintes de bruits, la SAT bénéficie du soutien du gouvernement du Québec, de Patrimoine canadien, ainsi que de celui des Conseils des arts du Canada, du Québec et de Montréal. Établissement doté d'une solide réputation, la SAT est, de plus, située au coeur du Quartier des spectacles.

Quartier des spectacles

Les plaintes de résidents peuvent-elles briser l'élan du Quartier des spectacles, l'un des projets phares de l'administration Tremblay? Pierre Fortin, le directeur général du partenariat du Quartier des spectacles estime que le défi réside dans la subtile mais nécessaire cohabitation entre les 80 lieux de diffusion du quartier et ses habitants.

«Pour nous, c'est évident que cet enjeu est un défi. Notre partenariat, c'est vraiment de vivre, créer et se divertir au centre-ville», dit-il, avant de citer l'exemple du Vieux-Port de Montréal. Les attractions touristiques et les concerts en plein air imposent aux résidents des inconvénients mais, selon lui, la pression est mieux gérée dans le Vieux-Montréal aujourd'hui que par le passé grâce aux concertations.

Si un centre-ville habité est aussi un centre-ville vivant et sécuritaire, il est difficile de garantir le silence complet, croit Pierre Fortin. «J'ose espérer que quelqu'un qui achète un condo dans l'édifice Louis-Bohème (complexe bâti aux coins Bleury et de Maisonneuve, ndlr) ne s'attend pas à la quiétude bucolique de la banlieue», dit-il.

Ghislain Poirier estime de son côté que la Ville doit s'interroger sur son identité. «Ça dépend des intérêts de tout un chacun. Tu veux une ville cosmopolite, vivante, ou tu veux une garderie avec des graffitis dessinés par des enfants? Est-ce que Montréal est faite pour les Montréalais ou les touristes?» demande-t-il.

Contacté par La Presse en fin d'après-midi hier, le cabinet du maire Gérald Tremblay, qui ignorait l'existence de Ghislain Poirier comme celle de sa missive, a pris connaissance de la lettre. «On prend acte, on va prendre le temps de l'examiner», nous a-t-on répondu.