Le mois de l'histoire des Noirs s'est terminé sur une fausse note dimanche soir, avec un 4e Gala des Prix SOBA (Sounds of Blackness Awards) qui est loin d'avoir fait l'unanimité. Fondé pour promouvoir la culture noire, les organisateurs ont honoré des artistes comme Florence K. et Lynda Thalie, qui ont remporté respectivement quatre et deux prix.

La grogne était encore palpable hier chez plusieurs acteurs de la communauté noire, qui ne se sont pas gênés pour critiquer vertement le gala. «C'est une véritable insulte, a claironné la chanteuse d'origine haïtienne Rachelle Jeanty, qui était en nomination dans la catégorie r'n'b. On avait enfin une chance de montrer au grand public ce qui se fait dans notre communauté. Mais en regardant les nominations, je n'avais pas du tout l'impression d'être dans un gala qui célèbre la culture noire. Le premier prix de la soirée a été gagné par une Blanche (Florence K, artiste jazz de l'année). Et les seuls danseurs qu'on a vus de la soirée étaient blancs. On ne devrait plus appeler ça les prix SOBA, mais plutôt les prix SOWA: Sounds of Whiteness Awards!»

Certains déploraient par ailleurs le virage commercial pris par le gala, qui se voulait au départ une «vitrine» pour les artistes moins connus de la communauté noire, qui peinent à sortir de leur ghetto. Nés dans l'underground, les prix SOBA sont ainsi devenus un événement plus grand public, avec des ambitions dignes de l'ADISQ.

La soirée de dimanche a été marquée par la présence du rappeur français MC Solaar, qui a chanté une chanson avec le groupe Dubmatique, et celle du chanteur libano-ontarien Massari, poulain de la multinationale Universal. Sans oublier Lynda Thalie et Florence K., toutes deux de la grosse machine Musicor.

«On a l'impression que les organisateurs essaient de faire leur place dans le mainstream, mais qu'ils n'amènent pas leur culture avec eux dans le processus, résume le producteur René-Frantz Durosel, dont le protégé Gage a remporté le prix du meilleur artiste r'n'b. Je n'ai rien contre la diversité, mais cet événement doit servir à montrer autre chose que ce qu'on voit d'habitude à TVA ou Radio-Canada. Comme c'est là, je ne suis pas certain que cette formule soit vraiment pertinente.»

Qui décide des gagnants?

D'autres enfin s'interrogeaient sur le processus d'élection des lauréats. Selon l'animateur de radio hip-hop Goofy Weldone, ce point «nébuleux» n'est pas étranger au mécontentement généralisé. «Personne ne sait qui décide des gagnants et des nominations. Est-ce que ce sont des pairs? Des gens des médias? Des gens de l'industrie? C'est le néant total.»

«Un gala ne fait jamais l'unanimité, s'est contenté de répondre hier Mark McKenna, porte-parole des prix SOBA. Tout ce que je peux répondre, c'est que nous récompensons les artistes qui contribuent au rayonnement de la culture noire en général. On ne va pas les prioriser parce qu'ils sont noirs, mais parce qu'ils sont bons, parce qu'ils se présentent bien ou parce qu'ils gèrent bien leur carrière, qu'ils soient underground ou non.»

Et le jury? M. McKenna jure qu'il y en a un, et qu'il est constitué de gens de l'industrie. Mais pas question d'en dire plus, afin d'éviter «les fuites» et les «pots-de-vin». «On sait que c'est une grosse business», a ajouté M. McKenna.

Financé à 85 % par des fonds privés, le Gala des prix SOBA était diffusé pour la première fois à la télévision, sur les ondes de MusiquePlus. C'est Philippe Fehmiu, un ancien de la boîte, qui animait le spectacle, qui incluait en outre Sylvie Desgroseillers, Muzion et Lorraine Klaasen..

Fidèle à son habitude, la chaîne des clips n'a pas voulu dévoiler ses cotes d'écoute.