Nul doute que le Club Soda sera ultra-bondé pour la deuxième incarnation des soirées Karnival, mises sur pied par nul autre que Poirier (Ghislain de son prénom), ambassadeur montréalais du soca qui botte les derrières des danseurs. En prévision de cette nuit blanche caribéenne réunissant sur scène les DJ Valeo, Ghostbeard et le duo Bonjay, discussion avec le globe-trotteur Poirier.

Fraîchement revenu d'Australie et de Grande-Bretagne, Poirier (qui n'utilise pour la scène que son nom) fait durer la période du carnaval, qui a officiellement pris fin le soir du Mardi gras, 16 février dernier. Son péché: un excès de basse, des rythmes vicieux face auxquels on ne peut rester indifférents.

 

Lors d'une session à l'émission radiophonique The Heatwave, sur la station underground britannique Rinse FM, l'animateur a présenté Poirier comme un «soca producer», un producteur de musique soca typique de Trinité-et-Tobago. L'étiquette ne lui déplait pas, «même si je fais autre chose, selon la personne que tu consultes... Les avis sont partagés».

«Par contre, le soca, j'endosse. Ce que j'aime de cette musique, c'est qu'elle peut être à la fois intense, par la force de sa rythmique, mais aussi très joyeuse, puisque c'est une musique de fête. Au contraire d'une musique intense et sombre comme le dubstep, pour ne pas la nommer. En un sens, ça me rappelle un peu la musique des Balkans», ces airs typiquement gitans où la tristesse des propos contraste avec des musiques endiablées.

La rythmique typique du soca se marie aussi très bien au style de production de Poirier: un style furieusement énergique, des sonorités métalliques , des basses fréquences musclées et bruyantes. «Je n'avais jamais vraiment exploré des rythmes aussi rapides, à 160 bpm. Mes premières tentatives semblaient avoir un impact sur les danseurs lorsque je les jouais. Je sentais que je tenais quelque chose...»

Du soca, il y en aura sur Running High, nouvel album double attendu à la fin du mois de mars, toujours sous étiquette Ninja Tune. Le premier disque regroupera des chansons des trois EP lancés au courant de la dernière année (dont Soca Sound System EP) et quelques instrumentaux inédits. Face-T, Boogat, le Trinidadien Mr.Slaughter et Burro Banton prêtent leurs voix aux compositions du Montréalais. Le second disque sera constitué de remixes.

Ce soir, sur scène, des airs de fête et la présence de Face-T et de Boogat. «C'est une belle affiche, j'ai l'impression que c'est un party de gang, entre nous autres, les locaux, Valeo, Ghostbeard, les amis de Toronto. Et le public, bien sûr.»

Bon Dieu, Bonjay!

Poirier et ses MC Face-T et Boogat suivront la performance du duo torontois Bonjay, ce qui soulage la chanteuse Alanna: «Avec son sound-system et ses grosses rythmiques, disons qu'il serait difficile de passer après lui!», dit-elle au bout du fil, à Toronto.

Bonjay a pourtant un arsenal bien à lui, et efficacement dansant, surtout, de rythmiques exotiques. Un premier EP lancé il y a quelques mois, Gimme Gimme, a servi de carte de visite pour ce groupe qui mêle soul, r&b, hip hop et dancehall d'habile manière.

Originaires d'Ottawa, de connivence avec le collectif local Jokers of the Scene, Alanna et le producteur/bidouilleur Ian (nom de scène: Pho) distillent l'héritage caribéen typiquement torontois, et pourtant pas assez mis en valeur. «C'est vrai que la scène dancehall de Toronto reste quelque chose de très underground, même si la communauté caribéenne est importante, convient-elle. Je suis contente si Bonjay peut aider à la mettre en valeur».

Les racines d'Alanna sont jamaïcaines, du côté paternel, et grenadiennes, du côté maternel - le mot Bonjay, d'ailleurs, vient du patois de la Grenade et signifie littéralement «bon Dieu!». Et puisqu'il n'y a pas de hasard, c'est en chantant le gospel dans une chorale qu'Alanna a développé ce joli brin de voix qui est le sien.

«Sur le premier EP, insiste-t-elle, on reconnaît davantage le côté dancehall de notre musique. Mais cet été, avec la sortie du deuxième mini-album, vous allez découvrir l'autre facette de Bonjay, notre grande ouverture d'esprit».

Purement dancehall sur le plan strictement rythmique, les premières chanson de Bonjay démontrent déjà cette ouverture grâce au style vocal d'Alanna, qui passe du chant au rap avec une aisance désarmante. Sur scène, prévient-elle, c'est le côté plus dynamique et agressif de Bonjay qui refait surface.

Karnival 2, au Club Soda, de 21h à 3h. Entrée gratuite.