Gilles Carle, le plus prolifique et sans doute le plus éclaté des pionniers du cinéma québécois s'est éteint la nuit dernière à l'âge de 80 ans, cédant à la maladie qui le minait depuis le début des années 90. Quelques heures après son départ, le gouvernement du Québec a annoncé que des funérailles nationales allaient être célébrées.

Le cinéaste est décédé vers 2h30 samedi matin. Atteint de la maladie du Parkinson, il avait été hospitalisé à la suite d'un infarctus il y a environ un mois. Il souffrait également d'une pneumonie d'aspiration.

> Réagissez sur le blogue de Marc-André Lussier

> Réagissez sur le blogue de Stéphane Laporte

«J'étais tellement en colère lorsqu'il est rentré à l'hôpital parce que je n'acceptais pas qu'il tombe malade», a confié sa compagne Chloé Sainte-Marie lors d'un entretien avec La Presse. «Je ne voulais pas qu'il parte. Je m'y attendais, mais je croyais encore aux miracles. Je pensais qu'il y avait une façon de le sauver, mais son corps n'était plus capable. Ses muscles ne fonctionnaient plus.»

La chanteuse qui a mené un combat acharné pour que les aidants naturels reçoivent une aide gouvernementale venait à peine d'inaugurer la Maison d'hébergement Gilles Carle, le 7 novembre, pour venir en aide aux personnes en perte d'autonomie.

«Gilles a porté ce projet-là. Il en est le symbole. Je suis contente, je suis fière, parce que c'est autre chose que son oeuvre cinématographique, son oeuvre picturale, son oeuvre littéraire. L'ironie du sort, c'est que la Maison venait d'être prête et que je l'ai fait pour lui. J'imaginais qu'il allait y vivre dix ans. Mon ami, le cinéaste Charles Binamé m'a dit que Gilles était un homme généreux et qu'en fait, il cède sa place à quelqu'un d'autre.»

Cet après-midi, le premier ministre du Québec, Jean Charest, et la ministre de la Culture, Christine Saint-Pierre, ont annoncé que des funérailles nationales allaient être célébrées pour rendre un dernier hommage à l'artiste. Les détails des obsèques ne sont toutefois pas encore connus et devraient être annoncés par le gouvernement du Québec sous peu.

«C'est un homme qui avait une cinématographie formidable, il a marqué l'histoire», a expliqué la ministre Saint-Pierre. «Le Québec est en deuil et en tant que ministre de la Culture, je suis en deuil. Sa carrière est d'une telle ampleur. Il nous laisse non seulement une oeuvre cinématographique qui sera étudiée par les générations à venir, mais également des textes et des écrits.»

Tristesse dans le monde des arts

La mort de Gilles Carles a provoquée une grande tristesse chez les artistes qui l'ont côtoyé.

Le cinéaste Charles Binamé l'a rencontré au début des années 70 sur le plateau de tournage du film Les mâles. Le dernier scénario de Carle, Mona McGill et son vieux père malade, portant sur la maladie, la vieillesse et la mort, avait par la suite inspiré Binamé à réaliser son documentaire Gilles Carle ou L'indomptable imaginaire.

«Autant Gilles a été absent ces dernières années du paysage cinématographique, autant il a été présent dans ma vie», a-t-il indiqué. «J'ai été scié de voir cet homme garder cette allure de vaisseau amiral devant la maladie, devant la mort inéluctable. Il était admirable. Il y a certainement eu des moments de désespoir, mais je ne l'ai jamais vu baisser la tête.»

La comédienne Micheline Lanctôt, qui a rencontré le cinéaste en 1972 lorsqu'elle a joué dans le film La vraie nature de Bernadette, a affirmé qu'elle garderait un souvenir impérissable de son ami avant tout sur le plan humain.

«C'était un grand esprit. Quelqu'un de provocant, de moderne et d'avant-gardiste. Il était vraiment original et son imaginaire était extrêmement libre. On ne pouvait faire autre chose que d'être impressionnés lorsque l'on était en sa présence.»

«Il aurait pu faire un long métrage par mois! Il était bourré d'idées, bourrés de possibilités de films. Rien ne l'arrêtait», a ajouté le réalisateur Jean-Claude Labrecque, qui a travaillé avec Gilles Carle sur de nombreux projets principalement dans les années 70. «Il était une source joyeuse extraordinaire, une source d'invention constante, un bouquet en floraison sans arrêt.»

Chloé Sainte-Marie espère que l'oeuvre de son mari continuera d'inspirer les générations à venir comme elle a elle-même été stimulée toutes ces années.

«Il m'a mis au monde dans tous les sens», a-t-elle expliqué. «Je l'ai copié je lui ai volé son sens de la beauté, son savoir, son intelligence et son humour. J'ai tout pris de lui.»

- Avec Marie-André Amiot et Huguette Roberge