Gaâda diwane de Béchar, un collectif parisien regroupant des artistes arabo-berbères émigrés de cette ville algérienne plantée aux limites du Sahara, s'est déjà produit au Festival du monde arabe de Montréal. La soirée fut assez vibrante pour que le directeur artistique du FMA, Joseph Nakhlé, invite de nouveau la formation afin d'inaugurer le 10e festival.

«La formation est surtout connue à Paris et en Algérie. Hormis les villes d'Algérie, nous avons fait à peu près tous les lieux parisiens qui se prêtent aux musiques du monde. Effectivement, nous ne maintenons pas un rythme d'enfer. Il faut quand même jouer régulièrement; les festivals l'été, puis deux ou trois concerts par mois. Pour nous, c'est suffisant. Ainsi, il y a deux catégories de musiciens dans notre formation: trois exercent d'autres métiers, alors que les autres sont des professionnels», explique Abdelati Laoufi, un des trois chanteurs de Gaâda et... sociologue de profession!

«À Paris, vous vous doutez bien que je travaille sur les questions de banlieues! dit-il en ricanant. J'y dirige l'association Génération 2010, qui s'inscrit dans la lutte contre la discrimination. Non, je ne vois aucun conflit entre la sociologie et la musique! Vous savez, le diwane était traditionnellement pratiqué par des gens qui travaillent comme vous et moi. La vie de tous les jours, voilà qui nourrit le diwane.»

Le diwane est un cérémonial métissé qui intègre les traditions d'Afrique noire et d'Afrique blanche. Comme c'est le cas dans toutes les sociétés traditionnelles, le diwane exerce une fonction thérapeutique et régulatrice (au sens social) chez ses praticiens et participants. Dans ses moments les plus exacerbés, le diwane peut parfois générer la transe.

Abdelati Laoufi n'hésite pas d'ailleurs à comparer le diwane au gnawi, cette pratique métisse du Maroc méridional beaucoup mieux connue des Occidentaux - depuis que feu Brian Jones (Rolling Stones) et plusieurs artistes de renom s'y sont intéressés dès la fin des années 60.

«En fait, soulève Abdelati, le gnawi est au Maroc ce que le diwane est en Algérie. Le diwane et le gnawi, c'est la même chose à la base, sauf que le gnawi a subi une influence plus importante de la musique arabo-andalouse - à la suite du reflux des musulmans au Maroc après la reconquête espagnole. En Algérie, le cérémonial est un peu plus brut. Et beaucoup plus black.»

Gaâda diwane de Béchar ne cesse d'alimenter l'hybridation. Abdelati Laoufi explique: «C'est aussi la rencontre d'instruments électriques modernes et d'instruments acoustiques traditionnels comme le gumbri, le bendir ou le karkabou. Gaâda est à la fois un collectif et un lieu d'expression où nous cultivons notre mémoire. À partir de là, nous éprouvons le besoin de progresser ensemble. C'est vrai, nous n'avons fait que deux albums, nous ne sommes pas stressés par les échéances, nous prenons notre temps. Bien sûr, par respect pour le public, il nous faut progresser, innover, élargir, accroître notre liberté.

«Ce qui a changé au fil du temps? Nous sommes un peu plus jazzy, plus blues. Nous produisons des sons que nous n'osions pas émettre auparavant. Sur scène, c'est épatant! Nous avons une expérience de scène qui n'a rien à voir avec ce que nous pouvions proposer il y a sept ou huit ans. Ça fait du bien d'être sur scène, être libre de communiquer.»

Au rythme saharien, il va sans dire.

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GAÂDA DIWANE DE BÉCHAR, ce soir, 20 h, au National, en ouverture du 10e Festival du monde arabe de Montréal.