Trouvez l'erreur: la plupart des jeunes ont une télé, mais très peu la regardent. Ils trippent musique, mais n'en achètent pas. Ils ne consomment plus ni journaux ni magazines, à une exception près: les magazines de mode continuent de traîner fièrement sur leurs tables de chevet.

À rien n'y comprendre? Jean-Sébastien Marcoux, ethnographe et professeur de marketing à HEC Montréal, a suivi cet été un groupe de 11 jeunes dits «influents» de 18 à 24 ans, pour le compte de l'agence Newad et du magazine Nightlife, histoire de saisir, entre autres, ces paradoxes. Il a rendu cette semaine les résultats de son enquête.

 

Par «influents», on parle ici de jeunes urbains, qui sortent beaucoup, très actifs dans la vie nocturne, des grands consommateurs, recrutés ici par l'entremise de Craigslist, Facebook, ou encore d'autres réseaux de la sous-culture jeune.

La démarche incarne une nouvelle tendance en matière de recherche marketing, qui consiste non pas à sonder un grand nombre de personnes, mais à cibler et suivre dans leur quotidien une poignée d'individus-clés, afin de saisir l'essence de leurs habitudes de consommation. À l'instar du publicitaire Don Draper, qui affirme, dans la série Mad Men: «When one is in Indian country, one needs a man who knows Indians», Jean-Sébastien Marcoux paraphrase: «On ne peut pas comprendre le phénomène de la culture jeune sans être dedans.»

La télé, un support

Conclusion? Vrai, la télé continue de faire partie du décor, mais est tantôt dans un placard, ou trône dans un coin, à titre de meuble vintage. Essentiellement, elle semble réduite à sa fonction d'écran, permettant tantôt de jouer à la console, ou encore de diffuser des DVD. Leurs émissions et autres séries cultes, c'est sur l'internet que ces jeunes les trouvent désormais. Gratuitement, souvent illégalement, il va sans dire. Idem pour la musique: elle tient une très grande place dans leur vie, mais très peu achètent encore des disques. De nouveau, c'est sur l'internet qu'ils vont chercher leur contenu.

Leur rapport au piratage est d'ailleurs intéressant, note le chercheur. «Ils se sentent en droit de le faire. Le piratage, pour eux, est extrêmement banal.»

Du côté des médias traditionnels, si les journaux ont été délaissés, les jeunes s'informent désormais sur le web, par l'entremise de sites institutionnels (Cyberpresse, CNN) ou non (les blogues).

Et les magazines? Out. À une exception près: les magazines de mode, toujours très populaires, notamment à cause de leur contenu publicitaire. La génération des 18-24 ans est très soucieuse de son apparence et de son image, rappelle Jean-François Marcoux. «C'est une génération de consommateurs en puissance.»