Trois festivals internationaux lancés avec succès en 25 ans. Une vie passée au service de la culture, des artistes et des citoyens montréalais. Il ne s'appelle pas Alain Simard.

Pierre Larivière ne le sera jamais non plus. Les feux de la rampe, très peu pour lui. C'est l'homme de derrière, qui conçoit, organise et passe à autre chose dès que bébé est bien portant.

En 25 ans, le directeur de la Maison de la culture Hochelaga-Maisonneuve, la toute première du réseau montréalais fondée en 1981, a redonné à son quartier un peu de lustre, beaucoup de fierté et une vie culturelle intense en créant, notamment, Coup de coeur francophone, le 23e aura lieu du 5 au 15 novembre, le festival Orgue et couleurs, le 11e s'est terminé hier, et Les petits bonheurs, un événement destiné aux enfants d'âge pré-scolaire.

Pierre Larivière est un extraordinaire «entremetteur» culturel. Il fait en sorte que les choses débloquent. Coup de coeur francophone a émergé des difficultés économiques du quartier au début des années 1980: fermeture d'usines, chômage, pauvreté.

«Tout l'Est de Montréal allait mal, fait-il. Je me suis dit, qu'est-ce qu'on peut faire ensemble? Avec CIBL et la revue Chansons, on a eu l'idée d'un festival qui peut toucher monsieur et madame tout le monde. Un événement avec des valeurs, surtout ne pas baisser les bras.»

Dans un quartier où le ciel semblait tomber sur la tête de ses habitants, la solidarité s'avérait primordiale.

«On a fait connaître Isabelle Mayereau, Jean Leloup, puis on a récupéré Basung que les Francos avaient échappé. Il n'y a rien d'impossible», dit-il avec conviction.

Les quartiers d'abord

Ce vétéran de la cause culturelle à Montréal parle constamment au «nous». L'égo, connaît pas. Pas plus que l'envie de faire autre chose dans la vie d'ailleurs.

«Je crois beaucoup aux quartiers, dit-il. C'est toujours dangereux d'essayer de passer du local à l'ensemble de la ville. Montréal n'est pas un bloc. C'est une série de quartiers et de valeurs distinctes. Ensemble, les quartiers peuvent repenser Montréal.»

Pas question, donc, de faire le saut à la ville centre. Mais il dit croire à Montréal et pratique depuis longtemps ce que Simon Brault, dans son livre Le Facteur C, souhaite: la participation culturelle.

«On travaille beaucoup avec les écoles, note-t-il. On est très présent dans le réseau social et les tables de concertation. L'accès à la culture, c'est important.»

Orgue international

Une fois Coup de coeur francophone bien sur ses pattes, Louise Harel, alors députée à l'Assemblée nationale, lui a fait savoir qu'elle voulait faire restaurer l'orgue de l'église Saint-Nom-de-Jésus.

«On va faire quoi, m'a-t-elle dit, pas juste des messes. C'est là que j'ai pensé à un festival international autour de l'orgue», ricane-t-il.

Des musiciens sont venus de partout, dont de Paris ma chère! À chaque festival, le modèle Larivière se construit autour de bonne volonté et de maigres subventions.

«La clef de voûte reste le partenariat, explique-t-il, la plupart du temps avec le milieu. On travaille aussi avec les artistes qui ont un rôle à jouer dans la société.»

Ses initiatives font des petits... bonheurs. Comme Coup de coeur, le festival destiné aux poupons déborde du quartier: Montréal-Nord, Parc-Extension, Saint-Henri. Le sixième événement, en mai prochain, aura aussi lieu à Laval, Sherbrooke et Québec.

Pierre Larivière se bat tous les jours contre les préjugés et «la peur de passer pour un tata» devant un spectacle de danse moderne ou un tableau d'art contemporain.

«Je fais confiance aux émotions des gens. Je leur demande la même chose quand je leur présente quelque chose de nouveau. Mais je ne commence pas une dégustation de fromages avec un bleu. C'est le Petit Québec d'abord.»

 

En un mot

Maître ès participation culturelle

Montréal, c'est...

«Une ville où la culture a un rôle primordial à jouer. C'est l'outil d'intervention le plus probant. Un jeune qui est ému en lisant un livre, en voyant un film ou une pièce de théâtre, ce sont des portes ouvertes sur le monde au lieu du repli sur soi.»

Que dit-on de Montréal ailleurs?

«Au Salon de la musique de Paris où on a donné une démonstration de la ligue d'improvisation à l'orgue, avec nos chandails d'équipe, les Français étaient ravis. On venait de décoincer le monde austère de l'orgue. Ils aiment notre côté américain qui dit: pourquoi pas?»

Que manque-t-il à Montréal?

«Dans chaque quartier, dans les secteurs culturels, sociaux et économiques, il y a des gens prêts à aider. Si quelqu'un ou quelque chose les motive à travailler ensemble, Montréal devient possible.»

À voir sur le web

Trois festivals :

coupdecoeur.qc.ca

orguetecouleurs.com

petitsbonheurs.ca