Depuis près de 150 ans, le Québec a fait l'objet de déclarations d'amour exaltées qui ont donné lieu tantôt à de charmantes ritournelles, tantôt à de puissants hymnes nationalistes. Les styles musicaux ont changé, la perception du «pays» itou, le sens critique s'en est mêlé, mais une chose demeure: le Québec aura été une véritable muse pour des générations de chantres, poètes et musiciens. Saint-Jean oblige, voici une liste de 24 chansons dédiées à la «Belle Province», dans le positif comme dans le négatif. Aux oubliées, d'avance, nos excuses.

Douze hommages au Québec en chanson 

1. Le plus beau voyage, Claude Gauthier (1972)

«Je suis Québec mort ou vivant»

Les dernières paroles de cette chanson sont si fortes que bien des gens croient que c'en est le titre. C'est encore aujourd'hui une chanson qui pourrait être l'hymne national du Québec, si besoin était.

2. Terre promise, Éric Lapointe (1994)

«Terre natale, souris, car demain, ton enfant revient»

Ce sont les derniers mots de ce morceau (écrit et composé par Lapointe lui-même), et toute la québécitude de cette chanson y tient: le goût de l'errance, du voyage et de l'ailleurs, toujours présent depuis l'époque des coureurs des bois et des défricheurs de terres. «Poussé par le vent, rien dans les poches, je me promène au gré des saisons

3. Chez nous, Daniel Boucher (2003)

«Les vouleux de sourire sont les bienvenus»

Écrite par Boucher à l'occasion de la Fête nationale, la chanson a fait beaucoup jaser parce qu'elle était rédigée en « québécois » et que bien des professeurs protestaient quand elle était jouée dans les écoles. Cela ne change rien au fait que c'est une des plus belles chansons écrites sur le Québec moderne, qui doit se définir dans un univers anglophone, américanisé, tout en demeurant ouvert aux autres.

4. Le tour de l'île, Félix Leclerc (1975)

«Pour supporter le difficile/Et l'inutile/Y a l'tour de l'île/Quarante-deux milles/De choses tranquilles/Pour oublier grande blessure/Dessous l'armure/Été, hiver/Y a l' tour de l'île/L'Île d'Orléans.»

Leclerc a chanté le Québec de bien des façons, de la rage (L'alouette en colère) à l'espoir (L'Hymne au printemps). Mais Le tour de l'île (d'Orléans) représente le summum de la chanson amoureuse du Québec, en en décrivant un petit coin, sublime et menacé.

5. La nuit du 15 novembre, Félix Leclerc (1977)

«Laissez tonner de joie/Six millions de poitrines/Six millions de saluts... À partir d'aujourd'hui, on bâtit, on bâtit/À partir d'aujourd'hui, on bâtit on bâtit.»

Chanson écrite en hommage à la victoire du PQ, aux élections de 1976.

6. Mon pays, Claude Léveillée (1964)

«Entendez-vous le vent, les pluies, les neiges et les forêts

Un grand poème lyrique à la gloire de la vastitude de nos paysages, au courage qu'il a fallu pour s'y installer, à la neige, à la beauté de ce qui nous environne. Faites-vous plaisir : allez voir sur la vidéo montée sur des paysages de la Gaspésie. 

7. Il me reste un pays, Gilles Vigneault (1973)

«Voilà le pays que j'aime

Vigneault remporte la palme du nombre de chansons portant sur le pays et même la palme du nombre de chansons avec le mot « pays » dans le titre (Les gens de mon pays, Gens du pays, Mon pays, Le temps qu'il fait sur mon pays, etc.) Celle-ci parle du pays intérieur, celui qu'on doit porter en soi pour le faire naître autour de soi.

8. Province de l'amour, Karo (1970)

«Province de l'amour/Québec je t'aime tant/Oui, tu es la province de l'amour/Tes chemins sont des plus bienfaisants

Une super tounette ensoleillée chantée par une ex-chanteuse yéyé en transition (c'est elle qui chantait Un garçon en minijupe). Avis aux gens de Tourisme Québec: le refrain est irrésistible.

9. Québécois, La Révolution française (1970)

«Québécois, nous sommes québécois... Le Québec saura faire, s'il ne se laisse pas faire

Ce grand succès de l'été 70 fut un des premiers hymnes nationalistes à émerger de notre scène rock, confirmant que la fièvre « fleurdelysée » n'était pas exclusive aux chansonniers. Ironiquement, Québécois fut d'abord écrit en anglais, sous le titre Americas...

10. Le Québec aux Québécois , Le Nouveau Testament (1970)

«Le Québec aux Québécois, yeah yeah yeah...»

Après le succès de Québécois, l'équipe de La Révolution française (François Guy, Richard Tate, Angelo Finaldi) écrit cette variation funky pour le groupe Le Nouveau Testament. Opportuniste et poétiquement néantissime. Mais ô combien efficace...

11. Le Québec est mon pays, Musa Dieng Kala (2008)

«Le Québec est mon pays/Dis-moi quelles sont tes peurs... Je veux respecter ton histoire... Nos coeurs ont tous la même couleur

L'ode au Québec, version XXIe siècle. Écrite et chantée par un Sénégalais de religion musulmane, ce plaidoyer en faveur de l'intégration et de la compréhension mutuelle traduit l'inconfort parfois ressenti par l'immigrant, mais surtout son désir de participer à la grande gigue québécoise. Paru sur l'excellent album Exil.

12. Ô Canada, Terre de nos aïeux, Adolphe-Basil Routhier, Calixa Lavallée (1880)

«Car ton bras sait porter l'épée/Il sait porter la croix

Croyez-le ou non, l'hymne national du Canada était dédié au Québec. Cette chanson fut commandée pour le banquet annuel de 1880 de la très nationaliste Société Saint-Jean-Baptiste, mais a depuis été détournée à des fins complètement opposées de celles pour lesquelles elle avait été composée. D'ailleurs, le deuxième couplet a bien vite été expurgé de la version actuelle: «Sous l'oeil de Dieu, près du fleuve géant le Canadien grandit en espérant. Il est né d'une race fière, béni fut son berceau...» Le Canadien, c'est ainsi que se définissaient les Québécois francophones du temps.

 

Douze critiques du Québec en chanson

1. Vivre en ce pays, Pierre Calvé (1973)

«Vivre en ce pays, c'est comme vivre aux États-Unis»

Calvé écrit cette chanson trois ans après les événements d'octobre 1970. Texte doux-amer sur notre nord-américanitude pas du tout assumée à l'époque, qui se termine toutefois sur une note d'espoir. Reprise avec succès par Robert Charlebois la même année.

2. Entre deux joints, Robert Charlebois (1973)

«Parce qu'ici, au Québec, tout commence par un Q et finit par un bec

Robert Charlebois est au nombre des artistes ayant le plus chanté le Québec, avec ses bons et moins côtés : Moi plus chanter en créole, Je reviendrai à Montréal, Mon pays (c'est pas un pays, c'est un job), Vivre en ce pays, Cartier, Indépendantriste, etc. Ce texte décapant de Pierre Bourgault sur une musique de Charlebois est le plus marquant de la série.

3-4. En berne (2002) et Québécois de souche (2000), Les Cowboys Fringants

«Je suis un Québécois de souche, je chante du Marjo sous la douche»: ayoye!

Les Cowboys, avec ces deux morceaux incisifs, l'un désespéré (En berne) et l'autre désespérant (Québécois de souche), n'y sont pas allés de main morte. Soulignant nos paradoxes et faiblesses, Jean-François Pauzé a mis le doigt sur bien des bobos.

5. Le chanteur indigène, Sylvain Lelièvre (1973)

«On est toujours l'Iroquois de quelqu'un, qu'on soit québécois, breton, nègre ou cajun

Grosse année, 1973, pour la chanson sur le Québec, à trois ans des élections de 1976. En voici une autre, dure, pour souligner que nous risquons toujours de devenir folkloriques.

6. Depuis l'automne, Harmonium (1975)

«Une chanson pour ici/Pour nous dire qu'on a refroidi

Un autre texte sur l'attentisme et le déni qui nous caractérisent. Paradoxe d'entre les paradoxes, ces deux failles nous ont sans doute permis de survivre aussi, dans des conditions difficiles.

7. Chu pas mal mal parti, Paul Piché (1977)

«Chu pas mal mal parti/Pour sauver mon pays/J'y ai tellement rêvé/Qu'chu déjà trop fatigué, maudit

Indépendantiste assumé, Paul Piché a régulièrement parlé du Québec dans ses chansons, mais encore plus des Québécois et de leurs contradictions, quand on y songe. Dès son premier album À qui appartient le beau temps?, en 1977, les chansons Essaye donc pas, mais surtout Chu pas mal mal parti donnaient le ton.

8. Vive le Québec libre, Grimskunk (2006)

«Fais-moi croire à ton beau pays/Un modèle pour l'humanité»,

GrimSkunk ressort son fond hardcore pour cette charge sardonique contre l'individualisme et la xénophobie. S'en prenant à l'archétype du mononcle misogyne qui n'aime ni les nègres ni les blokes et trippe sur son char, le groupe critique à la fois les habitudes de vie des gens d'ici et leur vision à courte de vue.

9. Le monde est à pleurer, Jean Leloup (1996)

«Avez-vous l'existence de ces familles de banlieue/Qui passent leur jeunesse à gagner/Un salaire à peine suffisant pour payer cette maison horrible et cette pelouse affreuse.»

Leloup ne mâche pas ses mots quand vient le temps de dépeindre le mode de vie occidental. Ce n'est pas parce qu'il n'écrit pas Québec en toutes lettres dans ses nombreuses chansons où il tourne en ridicule le conformisme qu'il ne faut pas se sentir visé.

10. Malamalangue, Loco Locass (2000)

«J'en embrasse large mais je couche/Mes mots pour 7 millions de cocus sans colonne verbale.»

Chafiik, Batlam et Biz sont perçus, avec raison, comme des défenseurs de la cause souverainiste. L'affection qu'ils portent au Québec ne les empêche pas de vouloir botter le derrière de leurs concitoyens, ce qu'ils font souvent, au détour d'une de leurs phrases qui dansent. Loco Locass a mal à sa langue, mais ce n'est pas que la faute du voisin.

11. Vote etnik, Ouanani (2008)

«Métis Québec ici j'ai plein d'avenir/Québec métissé ici on a plein d'avenir

Le fantasme d'un Québec bigarré et ouvert sur le monde, chanté par un groupe fusionnel et multiculturel. Mené par un immigrant du Lac Saint-Jean, Ouanani prône le métissage total en écorchant par la bande tous les tenants d'un Québec blanc et replié sur lui-même.

12. Le gala de l'ADISQ, Mononc Serge (1997)

«Une chanteuse plate rêvait d'gagner des Félix/Et d'arriver en limousine au gala de l'ADISQ/Elle s'est donc appliquée à devenir insipide/Ce fut pour elle naturel et rapide»

Mononc Serge passe son temps à critiquer les Québécois en s'attaquant aux symboles de notre culture populaire. La liste de ses méfaits pourrait être longue. Il a tiré sur Jacques Villeneuve, La Fureur (La Fürher), Céline et Môman Dion.