Surprise à la Chambre des communes à Ottawa, hier: le ministre du Patrimoine, James Moore, s'est dissocié des instigateurs des Prix du Canada en arts, les hommes d'affaires torontois David Pecaut et Tony Gagliano, et a annoncé que son gouvernement attendait d'autres propositions en vue de créer ces récompenses qui semblent abonnées à la controverse.

Le tollé soulevé par les controversés Prix du Canada en arts s'est transporté à la Chambre des communes, hier, où le ministre du Patrimoine, James Moore, s'est dissocié du projet présenté par les hommes d'affaires torontois David Pecaut et Tony Gagliano, déjà critiqué de toutes parts.

La Presse révélait hier que la liste de partenaires qui appuient prétendument le projet était en réalité remplie d'organismes culturels n'ayant jamais, pour la plupart, eu de contacts avec les promoteurs.

Les partis de l'opposition à Ottawa ont protesté et ont pris la défense des organismes qui se retrouvent «partenaires» d'un projet qu'ils sont souvent bien loin d'approuver.

«C'est totalement inacceptable. On utilise le nom, la crédibilité d'organisations et de certains artistes pour appuyer un projet qu'eux-mêmes ne veulent pas, a lancé le critique libéral Pablo Rodriguez, furieux. Soit le ministre le savait et il nous a menti, soit il s'est fait mentir par ses fonctionnaires et il est incompétent. Les instigateurs du projet devront s'excuser et le ministre lui-même devra s'excuser auprès des organismes», ajoute-t-il.

Pour le Bloc québécois, qui accuse le gouvernement Harper d'avoir sabré les programmes en culture sans consultation, ce nouvel incident est inadmissible. «C'est de la manipulation et rien d'autre», a tonné le chef Gilles Duceppe, qui reproche aux conservateurs d'avoir affirmé à tort qu'ils avaient l'appui du milieu.

Le budget 2009 du gouvernement de Stephen Harper prévoit 25 millions de dollars pour créer une cérémonie de prix internationaux en danse, musique, art et art dramatique, appelés Prix du Canada pour les arts et la créativité.

Après que MM. Pecaut et Gagliano, initiateurs du concept, aient fait la promotion de ces Prix partout dans les médias, le ministre soutient maintenant que leur projet ne constitue qu'une «proposition» et que le gouvernement s'attend à en avoir d'autres avant de choisir à qui il confiera l'organisation de l'événement.

«Cette proposition, où il y a un débat, ce n'est pas notre proposition. C'est une proposition de deux messieurs de Toronto», a répondu le ministre Moore, rejetant ainsi le blâme sur MM. Pecaut et Gagliano pour le mécontentement suscité par la «liste de partenaires» controversée.

Les détails de la politique annoncée dans le budget 2009, concernant les prix d'excellence en arts, ne sont pas encore connus, le ministère poursuit ses consultations et le gouvernement s'attend «à recevoir davantage de propositions», ajoute-t-on au bureau de M. Moore.

«On veut créer les Prix du Canada pour les arts et la créativité, comme on l'a fait l'an dernier avec les Prix Canada-Gairdner pour les scientifiques et les médecins. Il est important pour le pays de souligner les créateurs d'ici», a dit le ministre du Patrimoine en Chambre.

Joint par La Presse, David Pecaut se désole de tout le tollé suscité par le document qu'il a, avec Tony Gagliano, présenté au gouvernement, et qui contenait une liste d'une quarantaine d'organismes «partenaires» avec qui «des discussions ont été entreprises», stipule la présentation.

«Nous n'avons jamais prétendu avoir consulté tous ces organismes. C'est un concept en développement. Nous devons nous assurer d'avoir le financement avant de consulter tout le monde», a expliqué M. Pecaut, qui se dit victime d'un malentendu.

La liste contient plutôt, dit-il, les organismes qui, selon lui, devraient faire partie d'un processus qu'il souhaite inclusif. M. Pecaut affirme avoir seulement lancé l'idée de ces Prix du Canada au gouvernement, mais ne pas avoir eu de garantie qu'il en serait l'organisateur.

«M. Gagliano et moi sommes prêts à aider à la mise en oeuvre de ce projet. On adorerait le faire. Mais c'est au gouvernement fédéral de décider comment il procédera», a dit M. Pecaut, cofondateur du festival Luminato de Toronto.

Les Prix du Canada, tels que les conçoit M. Pecaut, seraient selon lui bénéfiques pour le secteur de la culture au Canada, créant une vitrine pour les artistes canadiens, des occasions de rencontre avec les meilleurs créateurs de la planète, et une hausse du tourisme culturel provenant par exemple d'Europe et d'Asie.