À 22 h, le soir des élections, alors qu'Yves-François Blanchet émergeait à peine d'une semaine de tourmente, de titres gonflés et d'alcootest raté et qu'il envisageait la possibilité d'être battu, le vent s'est mis à tourner et le vote, en sa faveur, à remonter.

Quinze minutes plus tard, le candidat péquiste de Drummond et président de l'entreprise de disques et de spectacles Diffusion YFB, faisait une entrée euphorique au Bistro de la Gare sur l'air de Paranoid Android de Radiohead. Le choix musical était des plus étonnants surtout pour un ex-agent d'Éric Lapointe. Ce n'était pas son choix, mais celui du DJ de l'autre moitié du bar qui n'était pas occupé par ses militants.

 

Mais peu importe l'air ou la chanson. Ce qui comptait, c'est que ça y était. Blanchet, natif de Saint-Edmond-de-Grantham, avait gagné. Gagné de justesse avec 34,4 % du vote et seulement 620 voix de plus que son rival, mais la victoire était réelle pour le nouveau député de Drummond. Désormais, il siégera à l'Assemblée nationale, loin des feux de la rampe, des premières de spectacle, des tapis rouges, des nuits folles et des soirs de scotch avec Éric Lapointe et sa bande. Une nouvelle vie s'ouvre à lui. Une vie très différente de celle d'entrepreneur culturel, d'agent d'artistes ou de président de l'ADISQ.

«Pas si différente que ça, plaide pourtant le nouveau député à l'autre bout du fil, au lendemain de sa victoire. Je ne fais pas de la politique depuis hier. J'ai commencé à m'intéresser à la politique à un âge anormalement jeune. J'ai travaillé de près avec Jacques Parizeau et même si je me suis dirigé en musique, je n'ai jamais cessé de m'intéresser à la politique. Quand j'ai embarqué dans cette campagne, je ne l'ai pas fait à l'aveuglette. Ma décision était prise depuis longtemps.»

Comme il l'a répété pendant toute la durée de sa campagne aux médias mont-réalais qui venaient le relancer dans sa circonscription, certains pour pouvoir glisser le nom d'Éric Lapointe dans leur topo, Blanchet demeure propriétaire de Diffusion YFB, l'entreprise qu'il a fondée en 1997, mais il ne s'occupera plus de gestion quotidienne. Pas plus qu'il n'assurera la gérance d'Éric Lapointe, dont il va demeurer un ami et un occasionnel conseiller. Pour le reste, Blanchet entend partager son temps entre l'Assemblée nationale à Québec et son bureau de député à Drummond où il compte s'acheter un condo ou une maison et en faire son lieu de résidence principal.

«Contrairement à ce qui a été écrit dans La Presse, je ne serai pas écartelé entre quatre villes et mes enfants, qui vivent chez leur mère à Saint-Bruno - pas à l'autre bout du monde, donc, mais à 40 minutes de chez moi», lance-t-il avec une pointe d'impatience.

Blanchet n'a pas apprécié de voir son nom en grosses lettres dans La Presse à côté du mot parachuté. Pas plus qu'il n'a aimé se faire arrêter par la police à 3h30 du matin, assis dans sa voiture alors qu'il avait trop bu.

Il prétend qu'il était en train de prendre ses courriels et qu'il n'avait aucune intention de conduire.

«Tout ce que je peux dire, c'est que ce fut un moment inquiétant qui m'a fait perdre le peu de candeur et de naïveté à l'égard de la politique qu'il me restait. Cette histoire servait tellement bien mes adversaires qu'elle ne pouvait pas être naïve.»

Blanchet raconte que le lendemain de son arrestation, son ami rockeur lui a envoyé un courriel qui disait: bienvenue dans la vie d'Éric Lapointe. Il demeure convaincu que ce n'est pas cette affaire qui lui a coûté des votes, mais plutôt la faible participation de l'électorat de sa région. En même temps, il concède que cette tuile, qui a forcé Pauline Marois à se porter à sa défense comme autrefois il se portait à la défense d'Éric Lapointe, a fait en sorte qu'il est aujourd'hui mieux préparé pour affronter son avenir en politique.

«Moi, j'ai passé ma vie adulte et professionnelle à gérer les crises des autres. Là, il va falloir que je me détache de mon rôle d'agent d'Éric Lapointe pour devenir mon propre agent. Je vais devoir par la même occasion apprendre à contrôler mon franc-parler. Les règles de la politique sont finalement pas mal plus dures que celles du monde du showbiz. En politique, la moindre parole peut se retourner contre toi. En art, c'est le contraire. T'as presque une licence pour la liberté. Bien franchement, je ne connais aucun artiste qui survivrait aux lois implacables de la politique.»

Malgré cela, Yves-François Blanchet ne regrette pas sa décision et encore moins sa victoire. Aussi incompréhensible que cela puisse paraître, voilà un authentique et sincère défroqué du showbiz qui préfère le bois dur d'un banc à l'Assemblée nationale au cuir rembourré d'une limousine de rock star. Voilà enfin un homme qui croit qu'il pourra faire une différence pour sa circonscription et que cette différence ne sera pas une simple chanson. Souhaitons-lui bonne chance. Il va en avoir besoin.