Lorsque le guitariste Pascal Dufour a quitté Les Respectables, après 17 années de loyaux services, et au beau milieu de l'enregistrement du premier album anglophone du groupe, l'hiver dernier, plusieurs se demandaient ce qui lui prenait. Avec la parution d'Ici, le temps nous appartient, au début du mois, tout s'expliquait.

Lorsque le guitariste Pascal Dufour a quitté Les Respectables, après 17 années de loyaux services, et au beau milieu de l'enregistrement du premier album anglophone du groupe, l'hiver dernier, plusieurs se demandaient ce qui lui prenait. Avec la parution d'Ici, le temps nous appartient, au début du mois, tout s'expliquait.

Il est évident, à l'écoute de ce premier album solo, que la fibre créative de Pascal Dufour vibrait différemment de celle du groupe. "Je me sentais comme dans une roue : je devais m'en sortir pour pouvoir avancer, résume-t-il. J'avais le goût de faire quelque chose de créatif, qui me ressemble plus."

Ainsi, après avoir longuement servi le rock'n'roll québécois, le musicien avait le goût de recommencer à zéro, mettant en péril une précieuse et rare sécurité financière. "C'est sûr que c'est déstabilisant, mais j'avais les trois quarts des chansons écrites et ça me faisait tellement vibrer. C'était plus fort que toute logique ou toute raison pécuniaire."

Ménage à trois

Amateur des trames sonores de Tarantino, Pascal Dufour est allé chercher l'un des artisans de la console aux accents les plus cinématiques du Québec : Cristobal Tapia de Veer (Plaster, Jorane, Gaële), à la coréalisation, à l'enregistrement et au mixage. "J'avais 'booké' 30 jours de studio en tout, et Cristo m'a dit que j'aurais besoin de la moitié de ça. Et, avec raison. Ce qui a fait l'album est presque toujours composé de la première ou de la deuxième prise. Les meilleurs réalisateurs sont comme ça : ils te mettent dans un état confortable et tu suis le son de l'affaire. Ça ne gosse pas."

Pour compléter un triumvirat en studio, il a également fait appel à son professeur de guitare, de piano et de chant, ainsi que son mentor "et psy" en quelque sorte : Leonardo de Luca. "On se parlait de tout, de mes intentions d'artiste. En tant qu'être humain aussi, il m'a amené à un autre niveau, explique-t-il. Du point de vue musical, il me poussait à éviter mes plis, mes habitudes du rock'n'roll."

Plus sale

"Je cherchais un son plus sale. On a enregistré la batterie avec un seul micro et on n'a utilisé aucun tuner (accordeur) pour les instruments. On s'accordait à partir d'un piano, lui-même accordé à peu près. Tu sais, si tout est toujours droit, c'est froid. La musique qui vient de la tête, moi j'aime pas ça." Les deux collègues de studio abondaient dans ce sens. "Cristo n'arrêtait pas de me dire : 'Tu veux refaire une autre prise ? T'as besoin d'avoir une maudite bonne raison'!"

Travailler en trio s'est avéré une expérience enrichissante, un équilibre parfait pour Pascal Dufour. "T'en a toujours un pour trancher. C'est une dynamique qui marche tellement bien que je le referais n'importe quand."

Sans surprise, l'ami Antoine Gratton bat les touches et Alain Bergé, les peaux. Pour le reste, Pascal Dufour s'occupe de tous les instruments. Le musicien s'est notamment étonné d'apprécier autant jouer de la basse, une expérience qu'il aimerait bien recréer pour le disque d'un ou d'une collègue. "J'ai toujours été un passionné de la musique noire : le gospel, le blues, le funk, le motown. Je misais plus sur le groove que les grosses guitares. Au fond, les Temptations et toute cette musique-là des années 1960 et 1970, ça marchait, parce que c'était une musique pleine de trous. Tout le monde jouait à sa place et les musiciens s'écoutaient les uns les autres."

Pour la suite, le multi-instrumentiste se dit suffisamment satisfait de l'expérience pour déjà entrevoir un prochain album. "Tant que je crée, je suis heureux", conclut-il.

mamongrain@ledroit.com