Ce n'est pas tout à fait du cirque. Ce n'est pas vraiment du théâtre non plus. Mais c'est peut-être un peu du cinéma. En tous les cas, l'esprit de Fellini rôde dans les parages. Avec Nebbia, troisième volet de sa Trilogie du ciel, le Teatro Sunil et le Cirque Éloize ouvrent la saison du TNM avec un spectacle nostalgique, poétique, humain.

Le metteur en scène Daniele Finzi Pasca enrobe d'un délicat brouillard cette série de tableaux qu'il a peints avec ses brillants (et très beaux) acrobates, qui sont aussi de formidables acteurs. On peut parler de simplicité choisie et assumée dans ce spectacle de deux heures qui se transforme sous nos yeux par les couleurs variables du fond de scène, les jeux d'objets ingénieux et fort jolis, la prestation des artistes qui s'amusent à croiser leur discipline avec le théâtre populaire italien.

De ces courts sketches, on retient de petits bijoux qui souvent font rigoler le public et provoquent chez lui des applaudissements spontanés. Une gracieuse acrobate qui s'exécute sous des quartiers de porcs suspendus, dans un décor léché qui ressemble au salon d'un boucher sophistiqué. Un fou du village dans son tutu. Un duo excentrique, qui malmène un xylophone avec des chansons populaires. Une bande de saltimbanques qui transposent sur la scène du TNM le côté débridé du théâtre de rue. Un contorsionniste qui a l'air d'un sage yogi, mais qui se tord dans tous les sens au point où on a du mal à le regarder. De mignonnes et aériennes ballerines, qui rappellent que la fête, c'est aussi la beauté pure, la joie d'être là, ensemble, et de courir.

Tout est grâce et volupté dans ce spectacle, qui nous caresse l'âme et nous fait quitter le TNM avec le très grand bonheur d'avoir goûté à la douce folie de Daniele Finzi Pasca. On redevient enfant en s'extasiant devant un numéro de trampoline où la scène est «bloquée» comme un écran de cinéma, restreignant ainsi notre vue et donnant l'illusion que les acrobates surgissent de nulle part. Restera aussi gravé dans notre esprit un numéro dans lequel les artistes font tourner des dizaines d'assiettes sur autant de baguettes, comme dans une étrange forêt.

Nebbia, c'est la nostalgie du village des grands-parents de Pasca, ce souvenir flou d'une fête menée par un clown géant et enfantin. Une douce tristesse aussi, évoquée par un beau fou atteint d'une maladie qui le rend de plus en plus handicapé.

Pourquoi entrer dans la saison du TNM avec un objet aussi inclassable, vous demandez-vous peut-être? Qu'importe les catégories, lorsque le théâtre devient ainsi acrobatique, vertigineux, poétique, ludique! Longue vie à ce mariage d'amour entre Daniele Finzi Pasca et Éloize qui, dans leur ciel, ont trouvé leur bonne étoile.

Nebbia, du Cirque Éloize, en collaboration avec Teatro Sunil, écrit et mis en scène par Daniele Finzi Pasca, jusqu'au 4 octobre au TNM, en supplémentaires les 7, 8 et 9 octobre.