Catherine Durand a lancé cette semaine son quatrième et très bel album, Coeurs migratoires, pour lequel la longiligne auteure, compositrice, interprète et productrice a fait appel à ses amis : Louis-Jean Cormier de Karkwa, Catherine Major, Tristan Malavoy, Marie-Annick Lépine, Dan Thouin Le résultat : un album traversé par l'amour malheureux, mais fait dans le bonheur complet.

Et s'il existait vraiment, le mithril, ce métal fictif évoqué dans le Seigneur des anneaux? Catherine Durand, avec sa silhouette elfique et sa voix aérienne, semble en tout cas faite de mithril, à la fois souple, discret et invincible. La jeune femme, qui a débuté par deux albums résolument pop en 1998 et 2001, s'est prise un jour en mains, est devenue sa propre productrice, et s'est tournée vers le folk-country-rock atmosphérique. Du coup, son troisième album, Diaporama, lui a valu des critiques élogieuses et des fans fidèles. Coeurs migratoires, son quatrième, reprend là où Diaporama nous avait laissés: sur la berge de la peine d'amour, de l'abandon et de la survie après l'amour.

«C'est vrai que j'ai vécu des moments difficiles ces dernières années, mais cela a été vrai aussi pour beaucoup de mes amis proches, explique-t-elle, alors qu'on approche tous de la fin de la trentaine: comme si l'amour ne fonctionnait plus ou mal, pour nous. Inconsciemment, j'ai tout absorbé cela, comme une éponge»

On ne saurait souhaiter éponge plus musicale que cela: disons-le tout net, la réalisation (de Jocelyn Tellier) et les arrangements de Coeurs migratoires sont de pures splendeurs: le hautbois et le cor anglais dans Je vais rester, le pedal-steel de Jean-Guy Grenier et le violon de Marie-Annick Lépine dans Le temps presse, la batterie de Robbie Kuster (collaborateur de Patrick Watson), le trio magnifiquement épuré de la très belle chanson Perdue (On m'a lâché la main), etc.

Et c'est étrangement sous le signe du bonheur que Catherine Durand a concocté ses chansons d'amours malheureuses: «Par exemple, la chanson-titre a été faite pendant l'événement Les 100 jours du bonheur, où des photographes, des cinéastes, des poètes devaient faire une oeuvre sur le thème du bonheur. Moi, j'ai mis en musique le poème de Tristan (Malavoy), et je l'ai tellement aimé le résultat que j'ai demandé à Tristan si je pouvais la garder. D'ailleurs, Karkwa, à la même occasion, avait fait une chanson avec Le solstice (sur un poème de Pierre Nepveu), que le groupe a lui aussi enregistrée sur son dernier disque.»

«C'est vrai qu'il y a beaucoup de peine dans mon album, reprend-elle. Mais c'est une peine contrôlée, je dirais, le constat que, malgré notre bonne volonté, ça ne marche pas toujours, l'amour. Ça ne nous empêche pas de vouloir aimer et de vouloir continuer à aimer.»

Autoproduction inc.

«Au début de ma carrière, reprend la chanteuse de 36 ans, j'étais sûre qu'il fallait faire des hits radio, c'était l'équation radio égale carrière, incontournable. Et j'ai eu des prix pour des chansons de mes deux premiers disques qui ont beaucoup tourné à la radio. Eh bien, sais-tu quoi? Mon troisième disque (Diaporama), que j'ai produit moi-même, est le disque qui a le moins tourné à la radio mais aussi celui qui a le plus vendu! Je continue donc à être ma productrice, c'est-à-dire à remplir les demandes de subventions, à faire des budgets, à faire les chèques (rires). Ce n'est pas très atmosphérique, mais c'est libérateur.»

Distribué en licence par les disques Tandem (Pascale Picard, Lost Fingers), le nouvel album de Catherine Durand devrait être transposé sur scène en 2009. Des négociations sont actuellement en cours pour qu'elle fasse la première partie de la prochaine tournée de Francis Cabrel au Québec. Fin octobre 2008, elle montera sur scène avec ses copines Mara Tremblay, Ginette et Mélanie Auclair dans le cadre de la tournée Toutes les filles.

«À partir de Diaporama, reprend Catherine Durand, j'ai trouvé ma signature, mon son bien à moi. Je l'ai creusé encore un peu plus sur Coeurs migratoires - j'aime le folk planant, le country sombre Même dans les chansons que j'ai écrites pour d'autres (Humeur vagabonde pour Renée Martel, Nous sommes pour Stéphanie Lapointe), on l'entend, cette signature. Alors, finalement, je me suis rendu compte que je l'avais, ma place: c'est celle que je me suis faite» conclut la jeune femme en mithril.