Des artistes canadiens et québécois de renom, dont le cinéaste Atom Egoyan et le chanteur Gilles Vigneault, ont critiqué mercredi le Premier ministre Stephen Harper, l'accusant de tailler dans la culture, alors que le Canada vient d'entrer en campagne électorale.

Le gotha culturel canadien anglais s'est réuni mercredi en marge du Festival international des films de Toronto pour demander aux partis politiques d'inclure dans leurs programmes des mesures assurant à long terme le financement des arts.

Cette rare mobilisation au Canada anglais fait suite à l'abolition par le gouvernement conservateur de programmes visant à assurer le rayonnement des artistes canadiens à l'étranger, dont la troupe du Cirque du Soleil avait par exemple bénéficié à ses débuts.

«L'investissement dans les arts, ce n'est pas de l'argent perdu», a assuré James Fleck, président de l'organisation Business for the Arts, alors que plusieurs personnalités soulignent l'importance de «financer la créativité» afin de concurrencer les puissances émergentes dans l'économie mondiale.

«Nous utilisons ce langage (économique) puisque que c'est ce que comprend le gouvernement actuel, mais c'est pathétique d'avoir à lutter dans ces termes. Cela devrait être évident», a déclaré à l'AFP le cinéaste Atom Egoyan.

«Ce que je trouve très alarmant actuellement c'est que plusieurs de ces institutions (culturelles) qui nous ont été léguées sont sur le point d'être démantelées», a-t-il dit lors du rassemblement à Toronto.

Le financement des arts est, loin derrière l'économie, l'environnement et la présence militaire en Afghanistan, parmi les thèmes clefs des législatives du 14 octobre, mais il occupe plus d'espace que prévu depuis le début de la campagne amorcée officiellement dimanche.

«Je trouve ça embarrassant qu'au Canada anglophone nous soyons forcés de réduire la culture à une argumentation économique... Le Bloc québécois (indépendantiste, ndlr) est le seul parti politique à parler sérieusement de culture», estime Don McKellar, scénariste de Blindness, film du Brésilien Fernando Meirelles (La cité de Dieu, La Constance du jardinier), présenté au Festival de Toronto.

Des manifestations d'artistes contre ces coupes sombres ont déjà eu lieu au Québec et le barde des nationalistes québécois, Gilles Vigneault, a pourfendu mercredi le Premier ministre canadien Stephen Harper. Il a appelé les Québécois à se réveiller dans cette campagne électorale où les conservateurs pourraient faire des gains dans la province francophone au détriment des indépendantistes.

«C'est être profondément inculte que de voter pour Harper quand on est Québécois», a déclaré le chanteur dans un entretien au Journal de Montréal. «Ce n'est pas croyable que des Québécois soient assez naïfs pour se trahir eux-mêmes, trahir leur propre culture, mais ça existe», a-t-il asséné.

Le quotidien québécois La Presse estimait toutefois dans un éditorial mercredi que «l'enflure verbale» sur l'abolition de programmes culturels n'est «pas justifiée», puisque le budget du Conseil des Arts, principal organisme subventionnant les artistes, a atteint un niveau record sous les conservateurs, au pouvoir depuis 2006.

Il faut plutôt parler de «compressions de programmes mal gérées» et mal expliquées, soulignait le quotidien montréalais. «Ce n'est pas de l'obscurantisme, ce n'est pas George W. Bush. C'est tout simplement de l'incompétence», conclut-il.