Six cent soixante-seize romans, 466 français et 210 étrangers. Un nombre deux fois plus élevé qu'il y a 15 ans. Les femmes dominent cette rentrée: Millet, Angot, Nothomb, Bouraoui, Ferney. Mais on note aussi Jean-Paul Dubois, Yasmina Khadra et Olivier Rolin.

Depuis longtemps, en France, les romanciers sont souvent des romancières. C'est particulièrement vrai en cette rentrée 2008, simplement parce que beaucoup de noms importants de la littérature féminine semblent s'être donné rendez-vous en ce mois de septembre.

En haut de la liste, sans surprise, celle qui produit chaque année un best-seller à la même date: Amélie Nothomb. Un peu systématique à mon goût. Mais cette fois, son petit Fait du prince (Albin Michel, 172 pages) est un récit absurde et très amusant qui se lit d'une traite: à partir d'une intrigue fantaisiste (un monsieur prend l'identité d'un inconnu mort subitement chez lui), la poule aux oeufs d'or de Bruxelles réussit avec brio à sortir par le haut à la faveur d'une dernière pirouette. «Du Kafka super-light», écrit le Nouvel Observateur. Déjà numéro un des ventes.

Mais l'événement de la rentrée, c'est bien sûr Jour de souffrance (Flammarion, 265 pages). On attendait Catherine Millet depuis le gigantesque succès de La vie sexuelle de Catherine M. en 2001. Sept ans après cette chronique froide et factuelle de ses innombrables partouzes, la très chic directrice d'Art Press produit cette fois un récit très personnel, presque sentimental, où elle explique comment elle a senti un jour la jalousie monter en elle et la torturer: elle venait de découvrir les preuves tangibles d'une liaison entre son mari, Jacques Henric, et une jeune femme. Catherine Millet a une vraie écriture et, cette fois, loin des épisodes scandaleux de son premier livre, elle donne avec subtilité certaines clefs de son comportement. Plutôt bien reçu par la critique.

Angot racoleuse

La tentation était trop forte et beaucoup de médias se sont empressés de faire le lien avec le nouvel opus de Christine Angot, Le marché des amants (Seuil, 320 pages). Le récit d'Angot se veut franchement scandaleux si ce n'est racoleur. L'auteure - qui a ou avait elle aussi une écriture très forte - a peut-être finalement un peu trop tiré sur la ficelle de l'autofiction, avec un titre tous les deux ans. Après une liaison avec un journaliste littéraire parisien, puis une non-liaison avec un acteur, voici maintenant le compte rendu d'amours éphémères avec une (petite) vedette du showbiz, Doc Gynéco, jeune de banlieue devenu sarkozyste. Généralement éreinté par la critique pour cause de ridicule.

Après avoir triomphé en 2000 avec La conversation amoureuse, Alice Ferney revient avec autant de succès sur le sujet inépuisable des relations de couples. Tiré à 100 000 exemplaires, Paradis conjugal (Albin Michel, 256 pages) est déjà installé dans les listes des meilleures ventes.

Un peu moins pétaradantes, mais candidates au succès en librairie, deux romancières. D'un côté, la Franco-Algérienne Nina Bouraoui, qui revient avec un roman court et dense, pratiquement écrit d'une seul jet, Appelez-moi par mon prénom (Stock, 120 pages). Le livre raconte l'histoire toute simple de la naissance d'une passion entre Paris et Genève. De l'autre, un roman riche et ambitieux de Catherine Cusset. Un brillant avenir (Gallimard, 369 pages) prend à bras-le-corps l'histoire occidentale de 1941 à 2006, entre la France, la Roumanie et les États Unis (où l'auteure enseigne). Pour L'Express, Catherine Cusset constitue «l'une des meilleures surprises de la rentrée"; pour le Nouvel Obs, son roman est "un Goncourt rêvé».

Un mot sur les hommes. Le plus québécois des Français, Jean-Paul Dubois, revient, avec Les accommodements raisonnables (Éd. de l'Olivier, 261 pages), au style qui lui avait tant réussi dans Une vie française, Prix Femina 2004. Paul Stern, alter ego de l'auteur, est un scénariste mélancolique échoué à Hollywood tandis que sa femme est en dépression profonde et que son père vit une crise d'adolescence à 78 ans. Dubois triomphe déjà en librairie à raison de 5000 exemplaires vendus par semaine.

Autres poids lourds: Yasmina Khadra, avec Ce que le jour doit à la nuit (Julliard, 416 pages), a choisi de revenir sur l'Algérie des années 30 jusqu'à l'indépendance de 1962. Quant à Olivier Rolin, il signe un très beau récit littéraire concernant Édouard Manet et l'un de ses modèles, Eugène Pertuiset, illustre inconnu tiré de l'oubli dans Le chasseur de lions (Seuil, 236 pages). Une promenade mélancolique dans ce Paris artistique du Second Empire.