Le personnage principal de la pièce Halpern et Johnson de Lionel Goldstein est une beauté juive nommée Florence. Pourtant, aucune réplique n'est donnée à cette femme qui n'apparaît même jamais sur scène. C'est que la Florence en question est le grand amour de deux hommes aux antipodes. Gérard Poirier et François Tassé, en duel chez Jean-Duceppe, défendent ces Halpern et Johnson unis par la disparition de celle qu'ils ont aimée chacun à sa façon.

Ils ont souvent joué dans les mêmes spectacles, sans jamais même se donner la réplique. «C'était une de mes exigences, quand j'acceptais un rôle», blague Gérard Poirier. Cinquante ans de carrière plus tard, voilà que pendant deux heures Poirier et François Tassé porteront sur leurs épaules la première traduction française de Halpern et Johnson, mise en scène par Monique Duceppe.

«Halpern et Johnson sont deux hommes qui normalement n'auraient jamais dû se rencontrer, en raison de leur caractère tellement opposé et de leurs origines différentes», explique le comédien Gérard Poirier, qui campe Johnson, un monsieur sensible, raffiné et amoureux des arts. Son rival de scène, François Tassé, lui, fait un homme d'affaires terre à terre, rustre et pragmatique.

Le motif de cette rencontre improbable dans un cimetière: tous les deux ont aimé Florence, qui vient de mourir. Halpern l'a épousée et lui a donné confort et sécurité. Tandis qu'avec Johnson, qui a été jadis son amoureux, elle a entretenu pendant 50 ans une relation platonique. Deux liaisons parallèles qui ont comblé cette femme.

Le jour des funérailles, l'amant chaste qui n'a pas pu épouser sa bien-aimée parce qu'il n'était pas juif, passe aux aveux auprès du mari de Florence. Une situation que François Tassé qualifie de "pittoresque". "Quand mon personnage l'apprend, il trouve que c'est une tromperie, une trahison, de savoir que sa femme lui a caché un côté de sa vie", raconte le comédien.

Histoire du Lower East Side

Lionel Goldstein, un Londonien d'origine juive - Halpern&Johnson est son unique pièce - se serait inspiré d'une histoire qu'il a entendue de son comptable, pour écrire l'histoire de cette femme qui a vécu une double vie pendant 50 ans. "On y découvre les côtés cachés des êtres humains. Même si on est deux, il y a toujours un pan de notre vie qui n'est pas révélé", songe François Tassé.

La pièce a d'abord été un film (avec Laurence Oliver et Jackie Gleason) avant d'être montée pour la première fois en 1995 à Tel-Aviv. Ensuite, elle a été jouée en Amérique du Sud, à Londres et aux États-Unis. «On ne peut pas réduire cette pièce à une anecdote. C'est comme un roman dont on suit tranquillement les rebondissements.»

Les spectateurs sortiront-ils de chez Duceppe désillusionnés par les promesses utopiques du mariage? «Non, mais on se dira que le mariage n'est pas nécessairement la solution idéale pour atteindre le bonheur», estime Gérard Poirier. C'est Sacha Guitry qui l'a dit: deux personnes mariées peuvent très bien s'aimer, à condition de ne pas être mariées ensemble

Halpern et Johnson, de Lionel Goldstein, traduction de Michel Dumont, mise en scène de Monique Duceppe, du 10 septembre au 18 octobre au Théâtre Jean-Duceppe.