En regardant le chef de l'opposition Benoit Labonté brandir les deux passeports de l'Expo 67 de ses parents, en l'entendant rêver à voix haute d'une exposition universelle à Montréal en 2020, j'ai pensé à une chanson: Le blues de la métropole de Beau Dommage. Son refrain accrocheur m'est aussitôt revenu en tête: En soixante-sept, tout était beau. C'était l'année de l'amour, c'était l'année de l'Expo...

Contrairement aux parents de Benoit Labonté (dont j'espère ne pas avoir atteint l'âge vénérable), je n'ai pas gardé mon passeport de l'Expo 67. En revanche, comme tous les ados de l'époque, j'ai gardé un souvenir émerveillé et impérissable de ce moment charnière où la ville complexée et sans envergure qu'était Montréal a pris le train (et aussi le mini-rail) de la modernité pour se métamorphoser en métropole ouverte, animée, et enfin synchro avec son siècle.

Comme l'a assez bien souligné Labonté, l'Expo 67 a peut-être coûté cher aux Montréalais, mais ce n'est rien en comparaison du prix que Montréal aurait payé si l'Expo n'avait pas eu lieu. Difficile de ne pas être d'accord avec ce raisonnement-là.

Tant sur le plan économique, social, culturel, politique qu'au chapitre du rayonnement international, les retombées d'Expo 67 ont été plus positives que le contraire et ont fait faire à Montréal des pas de géant en très peu de temps.

Mais comme le dit bien la chanson de Beau Dommage, en 67, tout était beau. En 2008, ce n'est plus tout à fait le cas. À preuve, les propos récents du grand manitou du rire, Gilbert Rozon, qui a invité Montréal à régler son problème criant d'identité par une psychanalyse urgente. Rozon, qui ne rate jamais une occasion de se désoler publiquement d'une ville qui, selon lui, est devenue la dernière de la classe en Amérique du Nord, est un détracteur persistant, mais il n'est pas le seul.

Dans les milieux culturels montréalais, grogne et morosité semblent de plus en plus aller de pair, surtout avec les récentes coupes en culture du gouvernement Harper. Tant et si bien qu'il ne reste que des miettes de l'espoir et de l'effervescence suscités par le Sommet Montréal Métropole culturelle en novembre dernier.

Quand on pense à l'atmosphère qui régnait dans les milieux culturels montréalais il y a seulement un an, quand on se souvient des discours enflammés livrés au Palais des congrès et vantant les mérites de cette extraordinaire ville qu'était censé être Montréal, on comprend une chose: les mots ne suffisent plus à sauver cette ville à la dérive. Pas plus que les festivals, les championnats sportifs ou les pelletées de terre pour paver une place et installer trois fontaines.

Montréal a besoin d'un électrochoc pour le réveiller et la sortir de sa torpeur. Montréal a besoin de rêver en couleurs et en cinéma-scope. Un grand machin comme une exposition universelle aurait pu lui fournir cette occasion. Et même si on a de la difficulté à se souvenir où a eu lieu la dernière exposition universelle (Aïchi au Japon) et où se tiendra la prochaine (celle de Saragosse, qui se termine dans quelques jours, sera suivie par Shanghai en 2010), ces événements voués aux progrès techniques et aux technologies de pointe font encore énormément pour les villes qui les organisent.

Mais en sortant l'idée comme un lapin de son chapeau, en agissant en solitaire sans même en informer des gens comme Rozon ou Isabelle Hudon, la présidente de la chambre de commerce, et en forçant en quelque sorte l'équipe du maire à bouder une idée dont ils ne pouvaient réclamer un semblant de paternité, le chef de l'opposition a tué dans l'oeuf un grand projet qui aurait pu relancer les énergies vives de la ville.

En 67, tout était beau, c'est vrai. Mais en 2008, «on est encore dix mille s'a rue Saint-Paul avec le blues de la métropole».

Benoit Labonté vient de rater une belle occasion de nous changer les idées.