Réponses tardives. Sommes dérisoires. Gestion à la petite semaine. Plusieurs organisateurs de festivals reprochent à Patrimoine Canada de leur verser des miettes alors que le gouvernement fédéral dispose de 30 millions par année pour leur venir en aide.

Cette année, la Traversée du lac Memphrémagog - qui permet notamment à des artistes locaux de se produire sur scène - avait fait une demande de 100 000 $ auprès du ministère canadien du Patrimoine. Les organisateurs ont finalement obtenu 5000 $, a révélé la directrice générale de l'événement, Sonia Quirion. Le Ministère n'a donné aucune explication concernant sa décision.

Pour sa part, lorsqu'il a eu lieu en mai, le Festival de musique actuelle de Victoriaville n'avait toujours pas reçu de réponse de la part du gouvernement fédéral concernant sa subvention. Ce n'est qu'au cours de l'été que le directeur général et artistique de l'événement, Michel Levasseur, a appris qu'il recevrait 10 000 $ au lieu des 30 000 $ demandés. Résultat: M. Levasseur se retrouve avec un déficit de 20 000 $.

Des cas comme ceux-là, il y en a beaucoup au Québec, assure Pierre-Paul Leduc, directeur de l'organisme Festivals et événements du Québec (FEQ). «On a l'impression que les programmes d'Ottawa sont gérés tout croche», a-t-il lancé sans détour au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse.

C'est qu'à la suite de l'abolition du controversé programme de commandites, le gouvernement conservateur s'était engagé à verser une somme annuelle de 30 millions, gérée par Patrimoine Canada, dans trois programmes: Présentation des arts du Canada (7 millions), Festival des arts locaux et du patrimoine local (18 millions) et un programme d'infrastructure pour des fêtes commémoratives (4,6 millions).

Or, en 2007, alors que Bev Oda était à la tête du ministère du Patrimoine, ces sommes n'ont pas été allouées puisque les critères d'attribution n'ont pas été déterminés à temps. Plusieurs événements avaient donc été privés d'une aide financière.

Cette année, la gestion de ces programmes est toujours chaotique, dénoncent le Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI) ainsi que le FEQ. «Les gens ont reçu des réponses très tard, pour des sommes dérisoires», résume Pierre-Paul Leduc. Dans cette mesure, il soupçonne le ministère de Josée Verner de ne pas avoir dépensé le quart de son budget.

Autre lacune soulevée par Luc Fournier, président du RÉMI: le Ministère a une définition très limitée de ce qu'est une manifestation culturelle. Il est difficile pour un événement qui s'appelle le Festival du fromage ou des montgolfières, par exemple, de prouver qu'il est admissible aux différents programmes, et ce, même s'il permet à des artistes de se produire sur scène, explique-t-il.

Enfin, Patrimoine Canada avait également devancé au 31 août la date limite pour soumettre une demande de subvention en prévision de l'an prochain. Une échéance considérée bien courte puisque plusieurs festivals ont dû organiser leur événement de 2009 pendant que celui de cette année avait lieu.

Devant la multiplication des plaintes, le Ministère a annoncé hier sur son site internet qu'il prolongeait la période de demandes jusqu'au 30 septembre. Malgré tout, ce délai donne bien peu de temps aux festivals, estime Marie-France Bourgeois, directrice générale du Mondial des cultures de Drummondville. «À cette date, on peut donner la saveur de ce que l'on veut faire mais c'est difficile de donner la programmation exacte», estime-t-elle.

Communications difficiles

Dans ce contexte, plusieurs organisateurs d'événements reprochent au Ministère de donner peu d'informations sur la façon dont le programme est géré. «C'est difficile d'obtenir des informations, souligne Michel Levasseur, directeur général et artistique du Festival de musique actuelle de Victoriaville. Il y a très peu de communications. C'est la loi du silence.»

«Est-ce que la gestion de ce programme-là peut se faire de façon transparente? demande Pierre-Paul Leduc. Où est la ministre pour s'assurer que le programme fonctionne bien?»

Au cabinet de la ministre Josée Verner, on se dit conscient qu'il y a eu un retard dans l'attribution de l'argent. «La ministre a trouvé cette situation totalement inacceptable et elle nous a demandé de faire un suivi serré», assure Dominic Gosselin, porte-parole de Mme Verner. Pour expliquer la situation, il s'est contenté de répondre que Patrimoine Canada avait été «victime de son succès».

«Nous avons reçu beaucoup de demandes.» Impossible toutefois de savoir si la totalité des 30 millions de dollars a été allouée cette année.