Une onde de choc se propage dans le milieu de la danse. Quelques jours après l'annonce de l'abolition des programmes fédéraux d'aide à la tournée PromArt et Routes commerciales, c'est la consternation, tant chez les compagnies de danse de taille modeste que les grandes institutions. Car la tournée est essentielle au milieu.

«Pour nous, l'abolition de PromArt représente, bon an mal an, un manque à gagner de 70 000 $ à 115 000$. Cette somme nous permettait d'assurer les frais de transport de tournées», s'inquiète Pascale Correïa, directrice générale des Ballets Jazz de Montréal.

Cette année, la compagnie donnera 70 représentations, dont 54 hors Canada. «Pour la saison 2008-2009, la diffusion à l'étranger compte pour plus de 62% de nos revenus autonomes, souligne Mme Correïa. Qu'allons-nous faire à l'avenir? Refuser des tournées? Sabrer les 40 semaines de travail par année de nos danseurs? Faire des compressions dans leur entraînement?»

«PromArt est réellement le seul programme qui nous permette de financer nos exportations. Ces coupes pourraient bien signifier la mort des Grands Ballets sur la scène internationale», croit Alain Dancyger, directeur général des GBCM, qui viennent de briller pendant deux semaines au Grand Palais à Paris. «Si huit semaines de tournée tombent à l'eau, c'est huit semaines de travail garanti en moins pour nos danseurs.»

Routes commerciales avait aussi permis aux GBCM de conclure des ventes pendant leur séjour parisien. «Grâce à ce programme, nous avons pu inviter quelques diffuseurs potentiels par soir, de partout en Europe, et bien des ententes se sont confirmées sur place», ajoute Dancyger, avant de lancer: «Mais est-ce qu'on oserait, comme ça, éliminer toutes les subventions que l'on octroie aux PME pour soutenir leurs exportations à l'étranger?»

«N'oublions pas que le marché international représente, en moyenne, près de 40% des revenus autonomes des compagnies de danse», souligne Lorraine Hébert, directrice générale du Regroupement québécois de la danse. «Sans la diffusion internationale et sans le soutien, notamment, du ministère des Affaires étrangères, la discipline est menacée.»

En effet, pour le milieu de la danse, tourner n'a rien de superflu. Au Canada, malgré un public qui ne cesse d'augmenter, le marché demeure restreint. Or, en Europe, où la demande est florissante, les compagnies québécoises ont la cote.

«Les théâtres des grandes capitales nous réclament en vedette, explique Jacques Vecerina, directeur administratif de La La La Human Steps. Mais tourner coûte cher - avec nos danseurs, musiciens et techniciens, nous sommes 22 sur la route - et l'argent que nous recevions de PromArt comblait des manques à gagner qui nous permettaient de respecter ces engagements.»

Benoit Lachambre et Louise Lecavalier font fureur avec leur duo Is You Me et leur carnet de commandes est bien rempli. «Or, à la lumière des récentes coupes, je vais probablement devoir augmenter les cachets demandés à nos diffuseurs étrangers», réalise André Malaket, directeur général de la compagnie de Lachambre, Par B.L.eux. «Mais la concurrence est vive sur le marché international.

Si le prix des spectacles d'artistes canadiens augmente trop, les diffuseurs européens ne nous inviteront plus. Nous allons aussi devoir puiser dans des subventions au fonctionnement qui arrivent à peine à couvrir nos frais administratifs et nos besoins en personnel tant les activités de Par B.L.eux s'intensifient.»

Par ailleurs, qui dit tournées à l'étranger dit visibilité, et donc possibilité d'attirer des partenaires qui contribuent non seulement à la diffusion des oeuvres, mais qui investissement aussi dans la création, à titre de coproducteurs, assurant ainsi une pérennité. C'est le cas de José Navas, de Daniel Léveillé et de nombre d'autres chorégraphes québécois.

«Ce n'est qu'après avoir assisté au travail de Dave St-Pierre que des diffuseurs de Munich puis de Salzbourg lui ont offert des résidences dans leur théâtre, tout en contribuant financièrement à ses futures productions», raconte George Skalkogiannis, l'agent de St-Pierre. «Je suis très inquiet de l'impact qu'aura l'abolition de cette aide à la tournée sur le développement et le rayonnement de la prochaine génération de créateurs. Peut-être faudra-t-il qu'ils déménagent en Europe.»