Lorsqu'il a voulu régler l'addition au restaurant libanais où il avait déjeuné, le coloré animateur de radio Gilles Proulx s'est fait répondre qu'on lui offrait le repas. L'homme a également remis son portefeuille dans sa poche quand est venu le moment de garer sa voiture dans un stationnement public. «Aujourd'hui, vous ne payez pas», lui a-t-on dit.

Pourtant, ce n'était pas son anniversaire. En fait, l'homme qui fait de la radio depuis 46 ans a débranché son micro hier. Il a animé son ultime Journal du midi sur les ondes du 98,5 FM.

«D'habitude quand je lis les journaux, le matin, je prends des notes, raconte Gilles Proulx au cours d'une entrevue qu'il a accordée à La Presse hier matin. Aujourd'hui, je les lisais avec beaucoup plus de détachement», a-t-il admis en souriant.

Et la question que tout le monde lui pose: comment se sent-il en cette journée où il tire sa révérence? «C'est comme si le match était terminé», dit-il avec sérénité, tout en répondant à de multiples appels - des demandes d'entrevue - à son téléphone portable. «C'est aujourd'hui (hier) que je vais annoncer que ma carrière de grande gueule est terminée.»

L'homme, dont l'attitude calme et posée tranche avec le coloré personnage qui occupe les ondes quotidiennement, semble déjà être ailleurs. Après sa rencontre avec La Presse, il devait se précipiter au lancement de la programmation du canal Évasion, chaîne pour laquelle il fera des reportages un peu partout dans le monde. D'ailleurs, aujourd'hui, il prépare ses valises, car il s'envolera pour l'Islande demain.

Enfin, tout en sirotant son café «déca», il finit par admettre qu'il aurait pu quitter les studios du 98,5 l'an dernier, pour marquer le 45e anniversaire de sa carrière. Mais cette année-là, il a dû subir un quadruple pontage. «Après cette histoire, par entêtement, je voulais prouver que j'étais encore capable.»

Gilles Proulx semble garder des souvenirs mémorables des événements qu'il a couverts au cours de sa carrière: la Bosnie, la guerre du Vietnam et, plus près de nous, la crise d'Oka. Il se souvient également avec beaucoup de plaisir des personnages qu'il a louangés et malmenés à la fois. Et que dire de tous les surnoms que l'animateur leur a donnés: «Jean la carpe Charest», «Louise Harel, la charmeuse de serpents» et «le gérant de restaurant» pour qualifier le maire de Montréal, Gérald Tremblay.

La radio, la télé et TQS

S'il quitte le monde de la radio, l'animateur n'a visiblement pas envie de se taire et ne mâche pas ses mots pour critiquer les médias électroniques. Selon lui, on assiste à une «profonde détérioration de la langue» sur les ondes. «Je trouve aussi que la radio ne travaille pas assez à l'élévation des valeurs communes, estime-t-il. On n'accorde plus de signification à la fête du Québec. On fait jouer de la musique américaine.»

L'analyse qu'il fait de la télévision n'est guère plus flatteuse. «La télé est entrée dans la facilité. Les chaînes de télévision conventionnelles sont en baisse de cotes d'écoute et ça me soulage un peu, car je constate que les téléspectateurs sont à la recherche de nourriture intellectuelle sur les canaux spécialisés.» Selon lui, les chaînes traditionnelles diffusent de plus en plus de «quiz stupides et d'émissions livrées en joual».

Puis, à propos de TQS, qui cessera de présenter des bulletins d'information à la fin du mois de septembre, il lance sans détour: «TQS ne finit pas d'atteindre de nouveaux sous-sols. C'est une entorse à la diversité de l'information, mentionne celui qui a travaillé pendant quatre ans pour ce réseau. C'est en train de devenir une télé marginale. Le canal Vox fait mieux qu'eux», a-t-il conclu.

Bref, bien que l'animateur délaisse son micro, il ne semble pas avoir envie de se taire. Pas tout de suite, en tout cas.