J'adore les albums jeunesse. Je les lis en cachette souvent plusieurs fois, je les traîne avec moi dans l'autobus, je m'attendris devant l'esquisse d'une frimousse imaginée par Philippe Béha ou encore Steve Beshwaty, et je m'incline devant toute la tendresse que parvient à contenir une simple phrase, comme si les auteurs jeunesse avaient ce don incroyable de résumer le charme.

Pour l'été donc, fi des lectures ardues, l'école est finie, après tout. Je plonge donc dans les albums avec délice, surtout qu'une flopée de personnages sur papier glacé prend déjà place sur les tablettes en vue des vacances. C'est d'ailleurs le cas de l'araignée vedette du nouvel album traduit en français des créateurs canadiens Doreen Cronin et Harry Bliss (Ma vie de ver de terre). Même ton délirant, mêmes courtes phrases souvent désopilantes, ce sont ici les pensées et découvertes de l'arachnide qui sont consignées dans ce drôle de journal intime illustré.

Ainsi, on y apprend que celle-ci enrage de voir qu'il ne se passe rien lorsqu'elle et son amie s'assoient sur la bascule au parc. On y apprend également que «les papillons, c'est vraiment meilleur avec de la sauce barbecue». La traduction nous parvenant trois (longues) années après la sortie de l'album en langue originale, c'est à se demander si on résistera à l'envie d'aller se procurer le plus récent Diary of a Fly en langue originale, question de poursuivre la rigolade. Allez, on se retape Ver de terre!

Éclairée par une amie professeure de maternelle qui dévore la littérature jeunesse à un rythme qui m'inquiète, j'ai aussi découvert récemment que l'auteure canadienne Mélanie Watt (Chester), qui a gagné moult prix littéraires pour la jeunesse, avait déjà fait paraître trois albums consacrés au désopilant Frisson, l'écureuil misanthrope que je n'ai découvert que cette année. Pour l'été, on se concentre sur le plus récent, dont le thème ravira les vacanciers puisque Frisson se rend cette fois à la plage. Entre son dédain des bactéries, sa peur du caca de mouette, sa terreur de perdre son passeport et surtout, surtout, sa profonde aversion pour les foules, Frisson hésite. Affronter le tout ou rester seul? Watt joue encore avec le graphisme comme elle l'avait fait avec Chester, un peu à la manière de Lauren Child (l'auteure des colorés albums Clarice Bean), ce qui rend la lecture particulièrement dynamique pour les lecteurs plus agités.

Parlant de surplus d'énergie, il faut lire Francine l'autruche, demoiselle un peu trop vive qui, pour justifier son cou interminable, s'amuse à plonger tête première dans les tanières et abris des autres animaux pour crier un «coucou» heureux et bien senti. Or, la savane au grand complet en a bientôt marre de ces intrusions certes joviales et sympathiques, mais plutôt gênantes! Ses voisins trouvent rapidement une solution miracle: en faire le facteur des environs! Il restera à apprendre à Francine que, malgré sa nouvelle casquette de travailleur, il faut sonner avant d'entrer. Mais peut-on à ce point brimer l'enthousiasme?

Pour les petites grenouilles sauteuses, il faut aussi découvrir Gigi la grenouille qui s'imagine être le plus féroce des dragons, coassant à qui mieux mieux autour de ses parents (ça vous rappelle quelqu'un?). Or, dans un élan tout dragonesque, Gigi saute un jour un peu trop loin. C'est évidemment dans ces marécages inconnus que le dragon redeviendra la petite grenouille apeurée. Vous verrez, les illustrations craquantes de Barbara Firth contribuent à rendre ce petit conte de Martin Widdell absolument irrésistible.

C'est toutefois une autre grenouille, celle-là plus contemplative, je dirais, qui m'a marquée ces dernières semaines. Née de l'imaginaire romantique des créateurs japonais Haruo Yamashita et Tsutomu Murakami (sans lien de parenté avec l'autre Murakami), cette petite grenouille esseulée s'installe confortablement dans une boîte aux lettres en espérant recevoir du courrier à son tour. Elle acquiert d'ailleurs rapidement la complicité du propriétaire de la boîte à cet effet.

Or, jamais elle ne recevra de courrier en retour, et pour cause. La grenouille a simplement empilé toutes les lettres qu'elle a écrites dans son salon puisque c'est une boîte aux lettres! Le propriétaire qui n'a rien compris découvre le tout trop tard, sa drôle de petite voisine ayant levé les voiles en laissant sur place toute sa correspondance sans réponse sur des feuilles de figuier. Oh, je vous entends déjà rouspéter. Bien sûr, les Japonais n'ont pas leur pareil pour nous arracher les larmes. Oubliez Demetan. Et courez l'acheter. À donner envie d'apprendre le croa (la langue des grenouilles, pardi!).