Depuis 26 ans, le Symposium d'art contemporain de Baie-Saint-Paul est incontournable. Chaque été, peintres, dessinateurs et artistes de toutes disciplines relèvent le défi de créer en public. Leurs oeuvres prennent forme un peu plus chaque jour, témoignant des chemins divers et imprévisibles que peut prendre l'art.

Cette présentation est l'une des plus dégourdies des dernières années, avec le travail du graffiteur professionnel Derek Mehaffey, dont on peut d'ores et déjà voir la grande murale. Sans compter la participation marquée de jeunes créateurs qui montrent au grand jour le travail auquel ils se livrent pour produire une oeuvre digne de ce nom. Dans cet ensemble, le doyen du groupe, Sylvain Bouthillette, n'est pas le plus sage pour autant.

Artiste invité cette année, le peintre montréalais suscite l'émotion avec un grand tableau en chantier (un cheval blanc magnifiquement représenté) et, surtout, avec une série de dessins au fusain sur papier. Ses dessins coup-de-poing tombent pile dans l'actualité. Ce sont des affirmations de la liberté de l'artiste. On pourrait aussi les envisager comme une réponse aux décisions récentes du gouvernement conservateur en matière de culture (coupes de subventions pour la diffusion de la culture et projet de loi de censure).

Cris de colère

L'artiste a écrit des jurons qui ne sont pas sans rappeler la révolte de Claude Péloquin il y a 40 ans. Les «Crisse de fuck de fuckin crisse» et autres «C'est assez» frappent en noir sur blanc. Mais ils ne sont pas écrits n'importe comment. L'écriture est géométrique et réalisée avec patience. Les qualités plastiques du fusain donnent une portée poétique aux mots a priori vulgaires.

Ils sont en effet paradoxalement chaleureux, ces cris de colère. «Il faut que du sentiment de colère résulte un sentiment altruiste», explique celui qui pratique le bouddhisme depuis 15 ans. Dans sa peinture, l'artiste cultive les chocs esthétiques. Ces oeuvres en chantier ne font pas exception.

«Plusieurs artistes tentent des choses qu'ils n'ont jamais essayées», constate la commissaire du symposium, Geneviève Pelletier, ravie de voir évoluer les oeuvres. Cette expérience hors des habitudes de l'atelier transforme souvent la production des créateurs. Josée Landry-Sirois réalise de grands dessins au contenu onirique et fragile, portés par le doute. Dan Brault multiplie les tableaux aux formes insolites dans cet espace qui met au défi sa concentration et nos certitudes.

Certaines oeuvres se font plus discrètes. Les artistes mexicains Ricardo Alzati et Anibal Catalan élaborent méthodiquement leurs explorations graphiques. En tandem, Fanny Mesnard et Véronique Isabelle tentent de faire un potager extérieur dont la dimension correspond à leur tableau. Le travail de vidéo du Néo-Écossais Graeme Patterson ne se prête pas aussi facilement à la démonstration devant les visiteurs, quoiqu'il ait recréé un petit studio où il nous présente ses sujets.

Il faudra voir, une fois terminée, la production de photographies numériques d'Annie Baillargeon, dont c'est la seconde participation au symposium, ainsi que les assemblages de Josette Villeneuve, les improvisations sculpturales de Mathieu Valade et les tableaux de l'Ontarien Howie Tsui. En tout, ils sont 13 à s'affairer dans ce grand laboratoire qu'est le symposium.

Le symposium d'art contemporain de Baie-Saint-Paul se déroule du mardi au dimanche jusqu'au 31 août.