C'est l'histoire d'un gars qui voulait découvrir le monde et n'est jamais revenu. Parti du Québec à 16 ans, guitare au dos, Nadaka vit en Inde depuis 1974. Cela fait si longtemps qu'il en a même «oublié» son nom de baptême. Qu'importe, puisque c'est sous le pseudo Nadaka («Celui qui porte le son», en sanscrit) qu'il mène depuis 30 ans sa barque musicale.

Encore un hippie resté collé à son trip, diront les plus cyniques. C'est une façon de voir les choses. D'autant que Nadaka est installé à Auroville, cité utopique axée sur la spiritualité, qui est située près de Pondichéry.

Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Le musicien a déjà huit albums au compteur. Il a son propre site web (www.nadaka.com). Sa propre étiquette de disques (Raintree). Tous ses disques sont disponibles sur I-Tunes. Et il tourne régulièrement en Europe et en Asie du Sud-Est. Bref, on est loin du granola passé date.

Étonnant, cela dit, que le guitariste ne se soit encore jamais produit au Québec. Le spectacle qu'il donnera ce soir avec son groupe à la TOHU sera de fait son tout premier concert à vie à Montréal. «J'attendais une occasion», dit-il tout simplement.

Commanditée en partie par le Club Aventure, cette tournée québécoise va permettre au musicien de faire connaître sa fusion méditative de musique carnatique (du sud de l'Inde) et hindoustani, de chants védiques et d'influences world/jazz contemporaines. Elle lui donnera aussi l'occasion de raconter sa vie depuis 35 ans à Auroville. «Ce n'est pas dans mes habitudes sur scène, dit-il. Mais là, c'est spécial.»

Créée par la Mère, compagne spirituelle du grand philosophe indien Sri Aurobindo, Auroville célèbre en effet cette année son 40e anniversaire d'existence. Nadaka aura été un des premiers Occidentaux à participer à cet étonnant projet urbain (la ville est en forme de spirale) et international (il est soutenu par l'UNESCO et le gouvernement indien), qui mélange grosso modo le concept de l'ashram et celui du kibboutz.

Même si la ville est progressivement grugée par le développement de sa voisine Pondichéry, même si les pressions des promoteurs sont fortes, même si les luttes de pouvoir sont réelles et que l'argent est toujours aussi rare, Nadaka croit que la ville de 2000 habitants n'a «pas perdu son âme». Mieux encore, dit-il, elle se régénère.

«J'ai manqué de belles années au Québec, admet-il, en évoquant l'effervescence des années 70. Mais ce que j'ai vécu à Auroville était aussi d'une grande intensité. Nous assistons, depuis trois décennies, à la renaissance de l'Inde. Et plus que jamais, nous y participons. Avant, nous vivions en marge, un peu isolés. Aujourd'hui, on sent un intérêt énorme d'Indiens avec de l'argent, qui veulent participer à ce projet unique. Notre défi sera de trouver l'équilibre entre nos valeurs de base et les possibilités que nous offre le monde capitaliste.»

Nadaka, à la Tohu, ce soir 20h. Infos: www.tohu.ca ou 514-376-8648