En mai, le chorégraphe montréalais Sylvain Émard a monté son premier opéra... à La Scala de Milan! Un rare honneur, conféré par nul autre que Robert Lepage. Mercredi dernier, le Zeeland Nazomerfestival à Middelburg, aux Pays-Bas, a présenté la première mondiale de sa nouvelle création, Wave, dont la rentrée nord-américaine lance la saison de l'Usine C, le 9 septembre.

«Nous bénéficions d'une courte résidence ici, explique le chorégraphe, joint à Middelburg, à quelques jours de la première. Nous y peaufinons Wave, avant d'enchaîner une quinzaine de représentations, aux Pays-Bas, en Allemagne et enfin à Montréal.» En ce moment, l'Europe sourit à Sylvain Émard.

Si les univers feutrés et poétiques de ce chorégraphe de l'intime charment spectateurs et diffuseurs des deux côtés de l'Atlantique depuis plus de 20 ans, Émard n'avait encore jamais présenté de première mondiale à l'étranger. L'an dernier, c'est à l'invitation de la compagnie néerlandaise Station Zuid qu'il a créé une oeuvre pour sept danseurs, en sol néerlandais, avec des moyens inégalés. Station Zuid coproduit maintenant Wave, fin du cycle La climatogogie des corps, en collaboration avec le Grand Théâtre de Lorient, en Bretagne, fidèle supporteur d'Émard, et l'Usine C. L'hiver prochain, ce sera au tour du festival New Territories de Glasgow, en Écosse, de lui faire une fleur en présentant toute la trilogie La climatogogie des corps. «Ce festival m'invite régulièrement, mais là, ils me veulent pour fêter leur 30e anniversaire», jubile le chorégraphe, pour qui cette trilogie représente plus de six ans de travail.

Une distribution féminine

En 1996, Émard créait Rumeurs, un quintette pour hommes et un des chefs-d'oeuvre du répertoire québécois. Wave est aussi un quintette, mais cette fois, avec une distribution entièrement féminine, une première pour lui. «Je voulais conclure La climatogogie des corps de façon particulière, après le duo homme-femme Pluie et Temps de chien, un sextette avec une distribution mixte.»

Les cinq demoiselles en question? Karissa Barry, Sarah Murphy, Erika-Leigh Stirton, Catherine Viau et Megan Walbaum. Émard, qui a travaillé avec certains des danseurs les plus chevronnés du Québec, notamment Marc Boivin, Ken Roy et Sandra Lapierre, avoue qu'il s'agit de sa première collaboration professionnelle avec ces danseuses et, de surcroît, de sa distribution la plus jeune. De quoi se placer sur la corde raide. «Oui, c'est un risque, mais j'aime bien: elles m'amènent ailleurs», explique Émard, qui a repéré la plupart de ces interprètes lors de ses pérégrinations comme professeur. Il leur a pourtant laissé plus de liberté qu'il n'en a l'habitude. «Et elles ont donné plus de rondeurs, plus de fluidité à mon langage.»

Cela dit, sans tenter d'en faire des hommes, Émard tient tout de même à une exécution puissante. «Ce qu'elles dégagent, en fin de compte, c'est une force tranquille, assortie d'une gamme d'émotions et de rendus plus large que je ne l'imaginais», confie celui qui a dansé pendant plus de 12 ans pour Jean-Pierre Perrault.

Wave, c'est la vague qui vous submerge et vous transforme, alors qu'elle-même est en perpétuelle mutation. «C'est la première fois que je donne un titre anglais à une pièce, note le chorégraphe, parce qu'en anglais, wave désigne aussi les ondes sonores ou les ondes de télécommunication, symbole de la rapidité avec laquelle notre monde se transforme. Ces ondes nous traversent, mais j'imagine aussi qu'elles s'accrochent à nous et nous changent, à notre insu.»

L'après-Wave? «Je prépare un programme de courtes pièces. Je dois avouer que d'avoir dirigé des distributions de plus de 130 personnes, pour l'opéra 1984, d'abord au Royal Opera House à Londres, puis à La Scala, me donne très envie de retravailler avec de grands groupes.»

Wave, de Sylvain Émard, à l'Usine C du 9 au 20 septembre, 20h.