L'entrevue commence dans un grand éclat de rire. Pas étonnant. Louise Richer dirige l'École nationale de l'humour depuis 20 ans. Elle a le rire facile, communicatif.

«Mon éventail d'éléments déclencheurs du rire est assez grand. Autant j'aime l'humour qui fait réfléchir, autant je me délecte de niaiseries irrévérencieuses. Les deux pôles m'amusent. C'est facile de me faire rire», avoue Louise Richer.

Cela ne l'empêche pas de discuter sérieusement du rire. «L'humour et le rire sont des mécanismes d'adaptation, de résilience, de socialisation. On oublie trop facilement à quel point le rire est précieux, combien il permet de dédramatiser.»

Elle qui vit du rire aujourd'hui était-elle une enfant ricaneuse? La question la prend au dépourvu.

Parler d'elle n'est pas coutume. «J'étais plutôt une petite fille isolée, à mon affaire. J'aimais réussir à l'école», dit-elle, un peu sur la défensive. Elle découvrira l'humour plus tard, à la fin de la vingtaine, après ses études en psychologie.

«C'est seulement vers 26,27 ans que j'ai accepté d'envisager de devenir comédienne, de réaliser un désir secret que j'avais gardé enfoui toutes ces années», dit-elle. Le métier de comédienne dans le milieu populaire qui était le sien n'était pas particulièrement bien vu.

À cette époque, Serge Thériault et Claude Meunier, les deux larrons de Ding et Dong, sont dans son groupe d'amis. Louise Richer devient Switch dans leurs sketches aux fameux Lundis des Ha! Ha! du Club Soda. Nous sommes au milieu des années 80.

«Rapidement, les gars sont débordés, alors c'est moi qui organise les soirées.» De fil en aiguille, elle rencontre Gilbert Rozon et fonde l'École de l'humour en 1998.

«La vie m'a orientée vers l'humour et la pédagogie. Ma formation en psychologie m'a aidée. L'École a comblé ma vie professionnelle, elle répond à ce que je suis. C'est merveilleux de voir les jeunes avancer, c'est très satisfaisant», dit-elle.

Trop d'humoristes?

La question qui tue maintenant. N'y a-t-il pas trop d'humoristes au Québec?

«C'est un commentaire récurrent, répond-elle. Se demande-t-on s'il y a trop de chanteurs? Trop de peintres? L'humour, c'est un art populaire. Cette remarque sur le trop grand nombre d'humoristes revient depuis toujours. Depuis l'Antiquité, on regarde la comédie avec complaisance. L'humour, c'est une discipline artistique comme les autres. Alors, c'est quoi le problème? Tant que les humoristes ne sont pas au chômage...»

D'autant que les résultats de l'école sont là : une récente étude démontre que 80 % des finissants de l'École nationale de l'humour trouvent du travail dans l'humour : radio, mise en scène, scripteurs, concepteurs. Et le multimédia ouvre encore plus de portes aux finissants. «L'Internet, c'est un débouché inespéré», dit-elle.

Mais on ne fait plus rire comme avant. «L'humour de RBO ne passerait plus aujourd'hui. On ne peut plus rire des décideurs comme avant. C'est fou comme les avocats surveillent de près. Beaucoup plus qu'il y a 10 ans», remarque Mme Richer.

«Le rire est à la fois universel (pensons à Chaplin) et «très référentiel» à chaque culture. L'humour transcende une culture, mais il faut l'adapter», précise Mme Richer.

Le rire et l'humour sont décortiqués, analysés, interprétés autant par les sociologues que les historiens. Ils seront invités au colloque sur l'humour et le rire qui aura lieu à Montréal cet automne, promet Louise Richer.