Un livre de recettes de conserves, aux pages écornées. Des extraits vidéo d'un réveillon de Noël des années 70, où des ados en col roulé se délectent de sandwichs au pain coloré et de copieux ragoûts. Des coupons de rationnement. Un moule à sucre d'érable. L'enregistrement d'un monsieur qui explique l'origine du terme «verre carnaval».

À Saint-Jean-Port-Joli, un nouveau musée qui rend hommage à la mémoire vivante prête ses murs et ses oreilles aux objets et souvenirs du commun des mortels. Une grand-mère de Dolbeau peut y enregistrer ses réminiscences de la vie au siècle dernier.

Un ouvrier de Saint-Jérôme peut raconter un événement marquant de sa vie. Une foule d'objets courants, témoins des us et coutumes d'autrefois, trouvent également refuge dans ce vaste lieu d'exposition logé dans le vaste bâtiment érigé sur le site du manoir de Philippe Aubert de Gaspé.

«L'objectif est de parler du patrimoine immatériel», explique Jean-Louis Chouinard, de la Corporation Philippe-Aubert-de-Gaspé, qui, depuis quatre ans, consacre tout son temps à ce Musée de la mémoire vivante.

Au Canada, il s'agirait du premier endroit spécifiquement consacré à la mémoire verbale et aux objets, que M. Chouinard qualifient «d'éléments déclencheurs de la mémoire».

À l'entrée du musée, on retrouve une exposition permanente consacrée à Philippe-Aubert de Gaspé. Sont réunis un buste, des gravures et des manuscrits évoquant la vie et l'oeuvre de l'auteur de Les anciens Canadiens. Puis, en passant d'une pièce à une autre, on découvre des souvenirs laissés par des donateurs (ou prêteurs).

Des objets significatifs

L'exposition Souvenirs de table réunit quant à elle des objets et documents qui parlent des pratiques alimentaires de la société québécoise. Des écouteurs permettent au visiteur d'entendre des commentaires explicatifs portant sur tous les objets exposés. Devant une boîte de mélasse qui date des années 50, on peut écouter un narrateur qui nous parle des «négresses», dessert prisé des familles moyennes québécoises.

Un peu plus loin, on retrouve des salles d'enregistrement où ceux qui le désirent sont invités à narrer un témoignage marquant. Et puis, une exposition temporaire intitulée Cabinets de curiosités offre une vitrine aux collectionneurs désireux de partager les objets qui les passionnent. Lors de notre passage, une exposition consacrée aux poteries et céramiques québécoises présentaient une chaise d'aisance ainsi que la première toilette fabriquée au Canada.

Propriétaire à la retraite d'une entreprise de câblodistribution, Jean-Louis Chouinard s'est entouré d'une équipe de bénévoles pour créer ce lieu unique où tous les vestiges d'un passé proche ou lointain sont les bienvenus. Inspiré par la convention sur le patrimoine immatériel de l'UNESCO, en 2003, le Musée de la mémoire vivante est financé à 60% par des contributions privées et à 40% par des fonds publics.

L'idée est de présenter des objets significatifs qui rappellent quelque chose aux gens. Comme, par exemple, cet extrait d'un règlement sur le maillot de bain, qui accompagne une vidéo montrant des baigneuses à Saint-Jean-Port-Joli, dans les années 30.

«Les costumes de bain pour les personnes de sexe féminin doivent être suffisamment hauts sur la poitrine et le dos, pour éviter tout semblant de provocation, et le maillot doit être couvert d'une jupe qui descend près des genoux.» Le burkini a eu sa version québécoise

Musée de la mémoire vivante, 710, avenue de Gaspé Ouest, Saint-Jean-Port-Joli; infos: www.memoirevivante.org