Des femmes, la tête recouverte d'un foulard, souvent un bouquet de fleurs ou un cierge allumé à la main, des hommes de tous âges, en costume sombre, certains venus de régions reculées de Russie : une foule compacte et recueillie a assisté mercredi aux funérailles d'Alexandre Soljenitsyne.

Les forces de l'ordre déployées en nombre au monastère Donskoï de Moscou ne sont pas parvenues à contenir les centaines de personnes présentes lorsque le cortège funèbre s'est ébranlé, vers 12 h 30, hors de la Grande cathédrale en briques d'un rouge très clair et aux bulbes noirs vers le cimetière, à une centaine de mètres de là.

Au son des chants liturgiques et dans une forte odeur d'encens, un soldat tenant un portrait en noir en blanc de l'écrivain a précédé dix de ses camarades portant des gerbes de roses, suivis d'une cohorte de religieux orthodoxes, et du cercueil escorté par quatre militaires, baïonnette au canon et levant bien haut les jambes.

Une dame âgée s'est alors figée, s'exclamant «Seigneur!», tandis qu'une petite fille agitait un ours en peluche dans les bras de sa grand-mère.

Une bourrasque de vent s'est mise à souffler sur l'assistance, sous un ciel toujours menaçant.

Jusqu'à cet instant précis, la foule avait patiemment attendu, dans le silence le plus complet, que le service religieux se termine à l'intérieur de la Grande cathédrale, où la dépouille d'Alexandre Soljenitsyne reposait entre deux gigantesques colonnes, au milieu des abondantes dorures des icônes, un immense lustre suspendu au-dessus d'elle.

L'assistance s'est finalement ruée, dans une invraisemblable bousculade, en direction de la chapelle, derrière l'église, à côté de laquelle l'écrivain a été mis en terre, un quart d'heure plus tard, quand les prêtres se sont arrêtés de chanter et trois salves de fusils et la musique militaire ont retenti.

Les proches ont jeté de la terre sur le cercueil, entouré d'un revêtement synthétique vert parsemé de branches de sapin, sous un grand arbre et des femmes n'ont pu retenir leurs larmes.

Le président Dmitri Medvedev s'était pour sa part discrètement rendu dans la Grande cathédrale par une entrée latérale, au contraire du maire de Moscou Iouri Loujkov, qui a longuement parlé à des journalistes non loin des marches menant à la porte principale.

«C'est une personne unique. Il a eu un destin à la fois heureux et tragique, je dirais même plus heureux que tragique : il est revenu dans la patrie», a dit M. Loujkov.

«Il est le père ou le frère de tous les prisonniers politiques. De tels hommes ne meurent pas. Ses idées restent vivantes», a, quant à lui, commenté, juste à l'extérieur du long mur entourant le monastère, Vitold Abankine, emprisonné 12 années durant «pour avoir écrit des poèmes» et venu de Rostov-sur-le-Don pour un dernier hommage.

Sur une gerbe déposée devant la Grande cathédrale, on pouvait lire : «À Alexandre Soljenitsyne, un grand Russe».