Disparue du petit écran depuis 1976, Linda Wilscam réapparaît avec la réédition DVD de la cultissime émission pour enfants des années 70.

«Je m'appelle Picotine, parce que j'ai une drôle de mine/des picots plein la figure et de drôles d'aventures...»

Ça vous rappelle quelque chose? Si vous avez entre 30 et 40 ans, peut-être avez-vous grandi en écoutant les aventures de cette petite fille délurée, qui avait pour amis un certain Fantoche (jeune Michel Dumont!) et un chien blasé nommé Poildepluche. Peut-être, surtout, vous surprenez-vous encore à chantonner l'entêtante ritournelle qui marquait le début de chaque épisode.

C'est qu'elle a marqué toute une génération, Picotine. Diffusée de 1971 à 1976, cette émission surréaliste fut un des bons coups du service jeunesse de Radio-Canada, à une époque où l'éducatif n'était pas encore la norme. Les costumes étaient à la limite du psychédélique, le décor, technicolor et les histoires, parfois étranges. On s'en souvient comme si c'était hier...

Et pourtant. Jusqu'à tout récemment, croyez-le ou non, on ne se souvenait pas du tout de la petite blonde qui jouait le rôle de Picotine. La réédition en DVD de 14 épisodes aura permis de nous rafraîchir la mémoire. Et de la rencontrer en chair et en os.

La dame se nomme Linda Wilscam, elle a aujourd'hui 59 ans et vit à Habitat 67. Surprise : elle ne zozote pas comme dans l'émission. Ce défaut de langage avait été inventé pour le personnage! En revanche, la tête n'a pas trop changé. Seuls les cheveux sont passés du blond à l'argenté.

Où était-elle pendant tout ce temps? Mais ici, pardi! Si on n'a plus entendu parler d'elle, c'est tout simplement parce qu'elle a décidé de poursuivre sa carrière dans l'ombre. D'abord comme scénariste d'émissions jeunesse (Alexandre et le roi, Iniminimagimo), mais aussi comme metteure en scène (Le voyage d'Alice) et surtout comme professeur de théâtre, un emploi qu'elle a tenu en divers endroits depuis 1977 et qu'elle tient toujours depuis 1995 à l'école de théâtre de Saint-Hyacinthe.

«Vers 30 ans, j'étais fatiguée des rôles de jeune première, explique-t-elle. Je ne voulais pas faire ça jusqu'à 45 ans. Et puis les autres ne me voyaient pas dans autre chose. Une blonde aux yeux bleus, ça ne pouvait pas jouer dans du Tremblay...»

Linda Wilscam ne regrette rien sinon, peut-être, que son nom soit si vite tombé aux oubliettes. Tellement vite, en fait, que même le maître de la télé-nostalgie Louis-José Houde, testé à ce sujet à l'émission Tout le monde en parle, n'avait pas su quoi répondre. «Le Québec a une mentalité très fermée», se contente de dire Mme Wilscam en haussant les épaules.

Un monde à part

Picotine est née un peu par hasard à l'été 1970. Linda Wilscam et son conjoint de l'époque Michel Dumont (oui, le même) avaient créé le personnage de Picotine dans une pièce pour enfants.

À cette époque, le service jeunesse de Radio-Canada cherchait à renouveler ses têtes de série. Fanfreluche et la Boîte à surprise étaient déjà de l'histoire ancienne et le réalisateur Maurice Falardeau voulait du sang neuf.

C'est à sa suggestion que Linda Wilscam et Michel Dumont ont transposé Picotine au petit écran. Elle avait 20 ans; lui, 30. Elle terminait le Conservatoire, il commençait sa carrière d'acteur à la télé. Ensemble, ils ont écrit une centaine d'épisodes de Picotine. Des épisodes où il ne se passait parfois pas grand-chose, mais où l'imagination se taillait la part du lion.

«C'était un univers enfantin d'évasion, mais on n'était pas dans l'univers du conte comme Fanfreluche», lance Mme Wilscam. «Mon inspiration, c'était plutôt Lewis Carroll. Comme Alice, Picotine vivait dans un univers clos. Un monde à part...»

Linda Wilscam convient que le décor de Picotine (conçu par Hubert Poirier) était un peu flower power. Son personnage vivait dans un arbre, mais l'esprit, dit-elle, n'avait rien de peace and love. «Picotine se fâchait des fois. Il n'était pas question qu'elle soit mièvre. Elle incarnait le rêve, mais aussi la détermination.»

«Toute la province le savait !»

En 1976, Picotine quitte l'écran. Du moins, officiellement, puisque l'émission continuera d'être rediffusée jusqu'au milieu des années 80. «C'est moi qui ai mis un terme à la série, raconte l'ex-comédienne. Je trouvais qu'on en avait fait assez...»

Si le nom de Linda Wilscam n'a pas marqué notre inconscient, celui de Picotine a continué de hanter nos souvenirs - sans parler son inoubliable générique, dont la musique était signée Herbert Ruff.

Preuve d'un impact durable : des petits comiques ont même détourné les paroles de la chanson-thème à des fins subversives, transformant «Picotine» en «Nicotine» et «J'ai une drôle de mine» en «Je me pique à l'héroïne...» Cette version, disons, alternative, circule dans les cours d'école depuis la fin des années 70. Mais ironiquement, Linda Wilscam n'en a eu vent que beaucoup plus tard.

«Personne n'avait osé me le dire, raconte la dame en riant. C'est un jeune voisin qui me l'a appris, à la fin des années 80. Je n'en suis pas revenue! Toute la province le savait, mais pas moi...»