«Paul McCartney speaking!» Avant même la première question, cette voix, rien que cette voix, reconnaissable entre toutes, donne le ton à l'entrevue: cela sonne comme un moment unique, un rien irréel. Après avoir parlé de son prochain concerto pour guitare, Paul McCartney se laisse volontiers emmener au pays merveilleux de la beatlemania. Des souvenirs qui le font encore vibrer, 38 ans après la séparation des Fab Four.

Q Vous souvenez-vous d'un moment où les Beatles sont venus bien près de rejouer ensemble, après la séparation de 1970?

R R Oh, ce n'étaient que des rumeurs... Nous nous retrouvions parfois tous les quatre, et il arrivait que l'un de nous lance: «Hey! Ce serait bon de revenir ensemble!» Mais il y en avait toujours un qui ne pensait pas de cette façon. Nous n'avons jamais atteint un point où les quatre ont dit en même temps: «Oui, ce serait une bonne idée, faisons-le!»

Q Quels souvenirs des Beatles reviennent le plus souvent vous visiter?

R Je pense aux premiers temps, quand nous avons commencé à enregistrer à Abbey Road. Nous avions vraiment du plaisir! Quand on réécoute ces vieilles chansons, on réalise que c'était de la bonne musique. Il me revient des images très claires des séances en studio avec John, George et Ringo en train de bricoler les pièces, de les chanter en nous regardant dans les yeux. C'est très spécial d'y repenser, maintenant que John et George ne sont plus avec nous. Nous étions de jeunes garçons, nous gagnions de l'argent pour la première fois de nos vies, et nous avions des habits cool. C'était les sixties, un temps vraiment excitant, et nous faisions de la bonne musique à Abbey Road. Ce sont des souvenirs en or pour moi...

Q Avec le recul, comment cette musique sonne-t-elle à vos oreilles, au milieu de la pop actuelle?

R Certes, mes horizons musicaux sont beaucoup plus vastes qu'à l'époque des Beatles. J'ai travaillé avec des orchestres symphoniques, avec des chorales, j'ai tâté du classique, et j'ai collaboré avec toutes sortes de musiciens. C'est ainsi que ma musique est devenue plus complexe. Alors, quand je réécoute des vieilles chansons des Beatles, je les trouve étonnamment simples. Et je me dis: «Oh my God, c'était vraiment futé de faire des chansons aussi simples, aussi courtes, mais mémorables!» Chaque fois que j'y repense, je trouve que beaucoup de choses faites par les Beatles étaient tout simplement brillantes. Je crois que je peux l'affirmer sans avoir l'air de me vanter.

Q Depuis 1980, l'oeuvre de John Lennon semble plus grande que nature, comme si on la considérait différemment depuis sa disparition. Que pensez-vous que l'on retiendra de votre musique dans l'avenir?

R Oh, je ne m'en soucie pas trop. Quand à savoir lesquelles de mes chansons passeront à l'histoire, on ne peut pas le prévoir. Les gens découvrent certaines chansons bien après qu'elles aient été écrites. Depuis quelque temps, beaucoup de jeunes viennent me voir pour me parler de chansons des Wings et me lancent: «Man, j'aime ces chansons!» Le temps fait son oeuvre. Je suis très heureux de tout le succès que j'ai pu avoir. Je serais bien ingrat de me plaindre du succès que je n'ai pas eu!