Oublié par le Festival de Salzbourg durant 36 ans, Otello de Verdi y a été redonné vendredi soir sous la direction musicale flamboyante de l'Italien Riccardo Muti et dans une mise en scène convenue du Britannique Stephen Langridge, qui a reçu quelques huées.

Chef-d'oeuvre de la maturité de Giuseppe Verdi (1813-1901), créé à Milan en 1887 sur un livret d'Arrigo Boito d'après la tragédie de William Shakespeare, Otello n'est entré au répertoire de la manifestation salzbourgeoise qu'en 1951, avec le chef d'orchestre allemand Wilhelm Furtwängler.

Ce «dramma lirico» a suscité localement 24 représentations seulement jusqu'en 1972, dont 14 sous la direction musicale et scénique de l'Autrichien Herbert von Karajan, patron de la manifestation de 1957 à 1989.

Fidèle du festival depuis 1971, Riccardo Muti, 67 ans, officie dans la fosse du Grosses Festspielhaus (grand palais du festival) pour des retrouvailles avec Otello qui prennent rapidement l'allure d'un retour musical gagnant.

Le maestro napolitain souligne les ressorts de ce drame haletant dès la tonitruante entrée en matière, faisant gronder l'Orchestre philharmonique de Vienne comme le tonnerre. Muti fait aussi vibrer sa corde sensible, notamment sur le poignant «Un bacio» («Un baiser») que s'échange le général maure Otello et sa femme Desdémone. Et il se révèle en vrai partenaire de musique de chambre de cette dernière dans l'intimité de sa Chanson du saule.

La mise en scène est sans risque, en costumes de l'époque de Shakespeare mais avec quelques touches de modernité: plan incliné de verre qui se brise en deux morceaux comme pour annoncer la fin de Desdémone et Otello, discret recours à la vidéo (mer en furie) et menus effets spéciaux.

Au moins Stephen Langridge, pour ses débuts à Salzbourg, ne raconte-t-il pas autre chose que l'oeuvre de Verdi et Boito, c'est-à-dire une double histoire de jalousie dans une société prisonnière des codes de l'honneur. Jalousie de Iago, l'enseigne d'Otello, complotant contre Desdémone pour se venger de la promotion de Cassio à ses dépens. Jalousie d'Otello qui, se croyant trompé par sa femme, préférera la tuer et en finir lui-même avec la vie.

Mais le metteur en scène a tendance à enfermer ses chanteurs dans des postures tragiques un peu datées face au public, et son travail manque d'une direction d'acteurs digne de ce nom, même si quelques idées sont intéressantes (notamment, au IIIe acte, la conversation de Iago et Cassio, qui se figent dans la pénombre quand Otello chante à son tour).

A défaut d'exister vraiment sur la plan scénique, les chanteurs tentent de se faire entendre vocalement. De 1970 à 1972 à Salzbourg, Otello et Desdémone étaient incarnés par le ténor canadien Jon Vickers et la soprano italienne Mirella Freni, deux grands noms associés à ces rôles.

La barre est sans doute un peu haute en 2008 pour le Letton Aleksandrs Antonenko et la Russe Marina Poplavskaya, mais ces deux jeunes chanteurs ne ratent pas leurs débuts à Salzbourg. Elle, offre une ligne vocale très soignée, à peine altérée par des aigus un peu moins maîtrisés. Lui, n'a peut-être pas l'héroïsme requis, mais rien dans son chant ne mérite les quelques huées qui lui ont été adressées aux saluts.

L'Espagnol Carlos Alvarez montre pour sa part qu'il est l'un des barytons Verdi les plus solides du moment même si son Iago, un brin sage dans le jeu, aurait gagné à être plus diabolique.

Otello sera donné six autres fois du 5 au 27 août à Salzbourg avant d'être représenté du 6 au 14 décembre à l'Opéra de Rome, coproducteur du spectacle.