Que dire d'une femme qui s'habille de la sorte: «Pas exactement un kimono, plutôt une robe de chambre raccourcie évoquant un kimono. Le corps est blanc. Les manches aussi, mais cerclées de bandes en dentelle ivoire de facture industrielle.» Et ainsi de suite, jusqu'aux animaux et symboles magiques qui y sont attachés et qui permettent à cette femme d'entretenir des conversations avec des forces spirituelles supérieures. Une vielle folle, diriez-vous?

Que dire d'une femme qui s'habille de la sorte: «Pas exactement un kimono, plutôt une robe de chambre raccourcie évoquant un kimono. Le corps est blanc. Les manches aussi, mais cerclées de bandes en dentelle ivoire de facture industrielle.» Et ainsi de suite, jusqu'aux animaux et symboles magiques qui y sont attachés et qui permettent à cette femme d'entretenir des conversations avec des forces spirituelles supérieures. Une vielle folle, diriez-vous?

Dans La vie d'après, cette vieille folle s'appelle Louanne Antrim, la mère de l'écrivain Donald Antrim. Après trois romans, cet auteur américain très en vue au New Yorker et ailleurs, a choisi de rédiger la chronique de sa famille sudiste, à commencer par sa mère. Des chroniques de la dysfonction: Louanne est alcoolique, elle tend vers la folie, et son tabagisme la mène à un cancer mortel.

Sa vie sentimentale est cahoteuse aussi. Elle divorce du père de Donald, un prof de littérature à l'université. Ensuite, ils se remarient et divorcent de nouveau. Plus tard, elle s'acoquinera avec un copain des Alcooliques anonymes pris de la folie des grandeurs: cet homme croit dur comme fer qu'un vieux tableau trouvé chez un cousin est une véritable oeuvre de Leonard de Vinci. Et le pauvre Donald, toujours serviable, doit aider cet homme à le faire expertiser.

Il est serviable, Donald, et tout dévoué à sa mère. Quand il est jeune et commence à souffrir des crises d'asthme, il est content. Il pourra rejoindre sa mère dans la maladie. Cette identification maladive est extrêmement forte, et on sent que Donald ne vivra jamais normalement s'il ne sort pas cette femme de sa vie.

Ce récit très intime et assez dur, affligé d'une mauvaise traduction (même la critique française le dit), se lit comme la quête d'une libération. Donald croit que, à la mort de sa mère, il sera libre une fois pour toutes. Curieusement, sa mère entretenait la même pensée par rapport à ses parents. La dysfonction est une saga familiale. Et la libération ne sera pas facile. On voit Donald, au début du récit, en train d'acheter un lit. Il en achète plusieurs, pour les renvoyer au magasin, devant les yeux plus ou moins amusés de sa blonde du moment. Le problème, c'est que la voix de sa mère s'entend dans chaque matelas.

Libéré à la fin du livre, Donald? À moitié, disons. Car en écrivant ce livre, il a découvert, contre toute attente, son amour pour Louanne. La fête des Mères est passée, et tant mieux, car ce livre n'aurait pas fait un bon cadeau. Pourtant, il est conseillé à tous ceux et celles aux prises avec la figure maternelle dans leur vie.

La vie d'après

Donald Antrim, traduit par Francis Kerline. L'Olivier, 221 pages, 41,95$