Deux nouvelles maisons d'éditions de littérature enfantine ont récemment émergé en Suède, non sans faire de vagues dans le pays scandinave très en avance en matière d'égalité des sexes, leur finalité étant d'instiller aux enfants des valeurs sociétales libérales.

«Notre but est que toutes les personnes, sans tenir compte de leur sexe, de leur sexualité, de leur ethnicité, aient la liberté de créer leur propre identité et qu'elles puissent être respectées pour leurs qualités personnelles», explique Karin Salmson, cofondatrice de Vilda.

Vilda et un autre petit éditeur, Olika, ont ouvert leurs portes l'année dernière dans l'idée de publier des livres pour enfants bousculant l'approche traditionnelle sur les sexes, la race ou encore l'orientation sexuelle.

«De nombreux parents se sentent obligés de changer le «il» en «elle» et inversement (...) lorsqu'ils lisent des histoires à leurs enfants parce qu'une foule de détails sont trop traditionnels», explique Mme Salmson.

Vilda a donc introduit le «label câlin», garantie que ces livres respectent les valeurs telles que la démocratie, l'égalité et la diversité.

Ces ouvrages évitent en outre les références stéréotypées aux «rôles traditionnels des sexes et les préjugés compromettant la liberté individuelle».

L'éditeur a par exemple pris le soin de s'assurer que les petites filles ne soient pas toujours habillées en rose, les garçons en bleu, que le père ne soit pas toujours celui débordé par le travail et la mère à la maison en train de préparer le dîner. Les parents homosexuels sont en outre présentés comme un couple ordinaire.

La cofondatrice d'Olika, Marie Tomicic, explique que l'idée est de «briser les rôles traditionnels et offrir aux enfants des modèles plus larges».

Les deux éditeurs ont jusqu'à présent publié une dizaine de titres, dont un livre contant l'histoire d'un garçon aux sandales roses et celle d'une fille aimant faire des bruits de pets avec ses dessous de bras, qui a deux papas.

La philosophie des éditeurs n'est pas surprenante en Suède, pays très en avance en matière d'égalité des sexes et de respect des droits des minorités.

Leurs méthodes ont toutefois soulevé l'indignation dans certains cercles, qui les accusent d'exercer une forme de propagande.

«Pour Vilda et Olika, leurs valeurs sont la priorité principale... c'est une approche erronée quand on veut écrire de bonnes histoires pour enfants», estime ainsi Lotta Olsson, critique littéraire pour le grand quotidien suédois Dagens Nyheter.

«Si la finalité de l'histoire est de promouvoir une idée, d'altérer les attitudes et comportement des enfants, le côté artistique et littéraire du livre en pâtit», dit-elle.

«On ne peut pas écrire un livre avec la seule volonté qu'il soit respectueux de l'égalité des sexes. On peut en revanche écrire un bon livre qui respecte l'égalité des sexes mais à partir du moment où l'on perçoit l'arrière-pensée de l'ouvrage, je pense que c'est un échec sur le plan artistique», a-t-elle déclaré à l'AFP.

Mme Tomicic et Mme Salmson ont rejeté ces critiques, soulignant qu'elles émanent de l'élite culturelle alors que les ouvrages ont reçu un bon accueil de la part des parents.

«Nous avons de bons auteurs, de bons illustrateurs et nous insistons, une bonne histoire. C'est le plus important», martèle Mme Tomicic.

L'un des illustrateurs d'Olika, Per Gustavsson, a publiquement critiqué la demande de l'éditeur de changer la couleur rose du tee-shirt de la fille dans un livre alors que les interrogations émergent sur l'intérêt de représenter des parents homosexuels dans un autre livre quand il ne s'agit pas du point central de l'histoire.

«Nous essayons de briser un modèle», rétorque Mme Tomicic. Selon elle, il est important de montrer aux enfants qu'il y a de nombreuses alternatives aux traditionnelles références.