Provocateurs professionnels et experts en controverse, les frères Chapman ont réussi à faire l'unanimité avec leur dernière exposition. Fucking Hell serait la première grande oeuvre du XXIe siècle, selon les critiques londoniens.

Avec ses dizaines de milliers de figurines de nazis démembrés et ses 13 aquarelles d'Adolf Hitler retouchées, la dernière exposition des frères Chapman a tout ce qu'il faut pour créer la controverse. Sauf qu'elle a plutôt suscité l'admiration des critiques et du public londoniens.

La pièce la plus spectaculaire de l'exposition, Fucking Hell, a même été décrite comme «la première grande oeuvre d'art du XXIe siècle» par le quotidien Evening Standard. Le critique du Sunday Times considère quant à lui qu'il s'agit «d'art moderne à son plus brillant et à son plus pertinent».

Cru, grotesque, grinçant, Fucking Hell occupe une des trois pièces de l'exposition If Hitler Had Been a Hippy How Happy Would We Be, présentée jusqu'à aujourd'hui à la galerie White Cube (un gros rectangle gris, en fait). Neuf maquettes placées dans autant de vitrines de verre contiennent des dizaines de milliers de figurines de nazis et de carcasses humaines.

Ressemblant à une version macabre des petits soldats de plomb de notre enfance, toutes ces figurines sont impliquées dans de sinistres scènes. Des centaines de têtes empalées sur des pics côtoient une immense fosse commune. Des squelettes casqués voguent paisiblement sur des cercueils tandis que des scientifiques arrosent des plantes transgéniques à têtes humaines.

Outre une église où un bébé Hitler se fait baptiser, les neuf vitrines renferment un camp de concentration (avec fours crématoires et chambres de torture), une fabrique à clones et une version du Parthénon ornée de pendus et du logo de McDonald's.

Spectaculaire, Fucking Hell est en fait une nouvelle version d'une oeuvre qu'avaient réalisée Jake et Dinos Chapman en l'an 2000. Achetée par le richissime ex-publicitaire Charles Saatchi, Hell avait ironiquement brûlé dans un incendie en 2004.

Les frères Chapman ont donc décidé de la reproduire en plus gros, en plus impressionnant. Hell est donc devenue Fucking Hell. L'idée s'est avérée payante pour les deux enfants terribles de l'art britannique : les neuf vitrines auraient déjà été achetées pour plus de 15 millions de dollars.

Comme le souligne le critique du Sunday Times, «cette immense pièce de nihilisme créatif ne fait pas que s'attaquer à Hitler et aux nazis. Hell est un modèle réduit d'un cycle diabolique qui ne montre aucun signe de fin.» L'absurdité de la guerre, la cruauté humaine, mais aussi la société des loisirs y sont représentées sans fard.

«C'est aussi horrible que fascinant, assure Jomes Tensini, venu visiter l'exposition avec une amie. Je comprends que cela puisse offenser certaines personnes, mais c'est une évocation très puissante de la futilité de la guerre», poursuit le jeune homme en se penchant pour observer une petite figurine d'Hitler. Surplombant un charnier de corps mutilés, cette dernière est en train de peindre. Sauf que le Führer ne peint pas la fosse commune, mais une mignonne maisonnette sous l'oeil amusé de squelettes.

Ce petit détail fait écho aux aquarelles bien réelles d'Adolf Hitler présentées dans la pièce à côté. Les frères Chapman ont en effet acheté 13 petites peintures à l'eau d'Hitler auxquelles ils ont ajouté des arcs-en-ciel, des coeurs et des petits papillons.

Si le fait que Hitler ait eu des ambitions artistiques est bien connu, son manque de talent l'est moins. Moches à souhait, ses aquarelles «font penser à des peintures réalisées par des petites madames qui suivent des cours de peinture le samedi après-midi», note une Montréalaise venue voir l'exposition.

Jomes Tensini trouve de son côté que les peintures d'Hitler sont particulièrement déconcertantes. «C'est incroyable de penser que quelqu'un qui pouvait dessiner des fleurs et des petites maisons puisse devenir un tel monstre», s'inquiète-t-il.

Infos : www.whitecube.com